Quelques brèves de Julie

 

 

S4 – 24 au 30 janvier 2022

 

 

 

Un peu de culture dans ce monde de brutes.

???????? « Presque » de et avec Alexandre Jollien et Bernard Campan, 2021 ???????? ????????

Lausanne. Igor déambule à vélo, casque vissé sur les oreilles, pour livrer des produits bio quand sa route croise celle de Louis. Une démarche et une élocution particulières qui désarçonnent ses interlocuteurs au premier abord mais une intelligence rare et extrêmement vive. Igor souffre d’une infirmité motrice cérébrale. Un handicap physique sérieux qui n’empêche pas une sagesse certaine. Car quand il ne livre pas ses produits frais pour gagner de quoi payer son loyer, il philosophe, lit, passe son temps entouré de ses «amis» Nietzche, Socrate et Spinoza. Quant à Louis, il dirige une société dans la même ville, mais pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit de pompes funèbres… Si, a priori, Louis n’est affecté par aucun handicap, il n’en est pas moins isolé, souffrant d’une différence dans laquelle il s’est enfermé. Célibataire endurci, travailleur acharné, lui aussi suscite chez les autres un regard particulier quand il annonce son métier. Par un concours de circonstances plutôt amusant, Louis décide d’emmener Igor avec lui le temps d’un voyage les menant de Suisse jusqu’au Sud de la France afin de conduire la dépouille d’une femme jusqu’à sa dernière demeure. Ce road movie raconte leur histoire, une sorte de voyage initiatique. L’amitié réelle entre les acteurs crève l’écran et amène le spectateur à changer de regard sur la différence et le handicap. Au gré des rencontres réalisées tout au long de leur périple, les deux compères expérimentent un certain art de vivre et démontrent à quel point la solidarité est précieuse. Alexandre Jollien a à cœur, dans toute son œuvre comprenant ses livres mais aussi les nombreuses pastilles vidéo postées sur les réseaux, de rendre la philosophie accessible au plus grand nombre en la désacralisant. Ses « Cahiers d’insouciance » (Gallimard) proposent une voie vers le bonheur, entre détachement et engagement. «On ne nait pas homme, on le devient», une jolie philosophie de vie, tout en tendresse et en douceur.
Presque – Le film de Bernard Campan et Alexandre Jollien est le lauréat du prix du public au Festival du Film de Soleure 2022.

???? « Montre jamais ça à personne » de Clément Cotentin et Christophe Offenstein, 6X45’ environ, Amazon Prime Video, 2021 ????????

C’est un portrait intime de l’artiste OrelSan. C’est aussi et surtout l’histoire d’un groupe de copains. Et elle est formidable à plus d’un titre. On y découvre OrelSan tout jeune, la vingtaine, dans son appartement à Caën, aux allures de chambre d’ado agrandie, où vivent avec lui ses copains : Skread, Gringe, Ablaye. Comment ces images ont-elles pu être réalisées ? Grâce à un coup de génie de son frère, Clément, qui a eu l’idée de filmer Aurélien non-stop, des années durant, au point que lui et ses copains ont oublié la caméra. 20 ans d’images d’archive, 2000 heures de tournage… Il en ressort des moments très touchants, parfois drôles et déroutants, un film empreint d’une grande sincérité.
Cet excellent documentaire retrace le parcours de l’artiste depuis ses débuts dans le rap, de ses premiers boulots comme veilleur de nuit dans un hôtel, aux salles combles telles Bercy rempli quatre soirs d’affilée, le tout ponctué par des témoignages d’artistes proches et par ceux des protagonistes aujourd’hui. Le spectateur est ainsi invité à assister à la naissance d’un artiste. Des années pendant lesquelles il semble être resté lui-même, simple, en dépit du succès immense rencontré. Plusieurs de ses prestations paraissent improvisées mais qu’on ne s’y trompe pas : ce n’est pas parce qu’il donne cette impression qu’il ne travaille pas. Bien au contraire, il n’arrête jamais entre la scène, les films, les clips, les albums, ceux des autres… Un côté détaché qui n’affecte en rien le sérieux de la démarche.
Un film imprégné de valeurs fortes : l’amitié qui a non seulement porté OrelSan mais aussi ses amis (je pense en particulier à Gringe et à son très bon livre « Ensemble, on aboie en silence » – Harper et Collins, 2020 -), chacun ayant trouvé sa place au sein du groupe, le travail et la persévérance, la famille, le fait d’y croire même quand tout vacille pour une chanson terrible aux allures d’erreur de jeunesse qui lui aura valu les foudres médiatiques au moment où sa carrière démarrait.
Et au cœur de tout, de son succès, son écriture : l’art, depuis ses débuts, de percuter, trouver les mots justes. C’est certain, après ce film, je n’ai qu’une seule envie, découvrir OrelSan sur scène. Malheureusement, les places sont aujourd’hui rares à Genève pour le prochain concert…
Pour l’anecdote, c’est avec un Suisse – Sébastine Strappazzon –, qu’il a créé une marque de vêtements, Avnier ! ????????

???? « L’Amérique entre nous  » de Aude Seigne, Editions Zoé, Janvier 2022

Plus fort qu’elle » de Jacques Expert, Calmann-Lévy, 2020
MA-CHIA-VE-LIQUE ! L’assassinat a lieu dès les premières pages du roman, l’auteur du crime est assez vite connu, son mobile également et, nous n’en sommes qu’à la moitié du livre ! Et pourtant, une seule idée en tête : tourner les pages de la deuxième partie restante pour découvrir comment cette machination va se terminer !
Une trame classique : Cécile et Patrick vivent à Bordeaux. Ils ont trois enfants, une vie sans histoire. Lui est un séducteur invétéré et jette son dévolu sur son assistante, Raphaëlle. Epouse fidèle et mère de deux enfants qui comptent plus que tout pour elle, elle succombe néanmoins rapidement aux charmes de Patrick, à en perdre la raison. Elle n’a dès lors plus qu’une seule idée en tête : vivre sa passion au grand jour. Aussi, lorsque son amant lui demande de tout quitter pour lui, elle n’hésite pas un seul instant. On a envie de lui dire de se réveiller, lui faire réaliser qu’elle poursuit une chimère et que les hommes mariés infidèles promettent souvent mais quittent rarement leur femme légitime…Rien n’y fait quand une passion tourne à l’obsession. Les pages s’enchaînent et l’auteur tricote une machination infernale qui ne trouve son dénouement qu’à la toute fin. Chronique complète ici

ici.

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