Quelques brèves de Fabienne +++ 

 

Littérature jeunesse

 

S11 – 16 au 22 mars 2020

 

 

Un peu de culture dans ce monde de brutes

Un peu de culture dans ce monde de brutes.
Lisez Jeunesse comme le dit mon amie Deborah Danblon
dans sa chronique sur la Première RTBF.

Je n’aime pas tellement lire à haute voix, je laisse cela à mes copines Ingrid Chabbert et Christine Naumann-villemin qui font ça super bien… mais j’ai lu (aussi) pour vos enfants et ados pour leur changer les idées pendant le confinement ! Et attention ⚠️ les parents, vous pourriez aimer aussi !

Que des coups de ❤️ (parce qu’on en a besoin) sauf un coup de gueule mais une proposition pour rebondir sur le même thème !

???? « Le seul et unique Ivan », de Katherine A. Applegate, Seuil, Jeunesse, 2012 ????????
Ivan est un gorille, mais il n’a rien d’une bête sauvage. C’est un animal paisible qui vit dans un vieux centre commercial oublié de tous. Ivan s’accommode assez bien de sa condition. Il a ses amis : Stella, la vieille éléphante, Bob, le chien errant, et Julia, la fille du gardien. Il a la télé et, surtout, il a le dessin, car Ivan est un peu artiste. Mais l’arrivée dans la ménagerie de Ruby, une petite éléphante innocente et fragile, va changer sa vie. Bouleversé par sa tristesse, Ivan se fait une promesse : grâce à lui, elle retrouvera sa joie de vivre et aura une vie meilleure. Dès lors, il n’aura de cesse de trouver une solution pour quitter ce lieu perdu…
Jusqu’à il y a peu, j’ignorais l’existence de ce roman. C’est Thomas DB, un petit gars de 11 ans, qui me l’a conseillé. À la faveur d’une rencontre littéraire, il m’en a parlé avec des étoiles dans les yeux. Cette lecture l’avait beaucoup touché et il a su trouver les mots pour me convaincre de la beauté de ce texte. Les enfants sont les meilleurs critiques qui soient. Pas de demi-mesure avec eux, pas de copinage, pas de faux-semblant. Je me suis donc procuré Le seul et unique Ivan et Thomas avait raison !
Inspiré d’une histoire vraie, ce roman nous happe dès les premiers mots. À travers la voix d’Ivan, puisque l’auteur dote son grand singe de parole, de mémoire et de réflexion, Katherine Applegate trouve le ton juste, sans jamais tomber dans le piège de l’anthropomorphisme. Capturé alors qu’il n’était qu’un bébé dans les forêts luxuriantes du Congo, puis élevé comme un enfant par un couple avant d’être cédé (un gorille adulte pèse pas loin de 300 kilogrammes) à un centre commercial hébergeant une animalerie supposée distraire les badauds, c’est ainsi que débute le récit d’Ivan, alors qu’il est captif déjà depuis 27 ans. Autour de lui, gravitent tout un monde.
Des animaux doués eux aussi de parole comme Bob, le chien errant qui adore dormir contre lui la nuit quand le centre est déserté ou encore Stella, la vieille éléphante malade qui partage son sort. Et de rares humains « humains », Julia, la fille de George, le gardien et Mack, son première « maître ».
Ivan, qui semble s’être fait une raison, vit dans ce qu’il appelle « son domaine » et passe les heures à peindre ou à regarder la télévision, les westerns et les histoires d’amour ayant sa préférence. Il pose un oeil résigné mais néanmoins rempli d’humour sur sa condition, trouve la force de se « moquer » des humains qui viennent le voir, lui et les autres pour se distraire de leurs petites vies et de disserter sur le temps qui passe. Mais tout prend une autre dimension et bascule le jour où le Circorama fait l’acquisition de Ruby, une jeune éléphante effrayée et traumatisée par un début de vie au cirque où elle était maltraitée. Pour la petite qu’il a à cœur de protéger, Ivan fomente un plan pour que Ruby ne vieillisse pas ici et lui offrir ce qu’il n’a pas eu… un autre destin ! La phrase malin comme un singe prend ici tout son sens et, alors que sont abordés avec beaucoup de délicatesse et de pudeur les thèmes comme la solitude, l’entraide et l’amitié, surviennent des questions plus grandes encore sur l’éthique, la privation de la liberté chez les animaux sauvages, la modification du comportement en détention, le travail de la mémoire, le respect de la parole donnée, le courage et la persévérance… Des sujets universels qui touchent tous les domaines du vivant et font écho au sens de la justice très développé du jeune lectorat.
La plume d’Applegate nous fait à la fois rire, pleurer, réfléchir et espérer. Il est impossible de lâcher ce roman et c’est un énorme coup de ❤️ ! À partir de 9 ans, bons lecteurs.

???? « Le monstre des glaces », de David Walliams. Witty. Albin Michel Jeunesse, 2019. Illustrations Tony Ross ????????
Londres, 1899. Elsie, une jeune orpheline, s’échappe de Pirklat’Hall, un hospice pour enfants abandonnés, alors que la capitale britannique est en ébullition : un mammouth laineux préhistorique aurait été découvert au pôle Nord, conservé dans un bloc de glace… Accompagnée de la sotte Linotte, la femme de ménage du musée d’Histoire naturelle, et d’un scientifique raté surnommé le Professeur, Elsie va tout faire pour ramener ce mammouth à la vie… et l’aider à retrouver les siens. Mais, du féroce commissaire Lebasset à Lady Winchester, une aristocrate chasseuse de gros gibier, ils seront nombreux à vouloir l’en empêcher !
Comme à son habitude, David Walliams parvient en quelques pages introductives à planter son décor, ici un Londres de fin du 19e siècle, et à dresser toute une galerie de portraits. Ce roman raconte le parcours d’Elsie, bébé abandonnée, enfant fugueuse et paria d’une société qui ne s’intéresse jamais aux plus démunis. Mais Elsie a pour elle sa gentillesse, son inventivité et une furieuse envie de se frayer un chemin dans un monde qui ne l’a pas gâtée à la naissance. Qu’à cela ne tienne ! Elsie est une aventurière et chaque personne qui va partager un bout de son histoire verra son destin changer à jamais grâce à son cœur en or massif. Réflexion, créativité et plan rusé seront les rouages pour sauver le mammouth, prisonnier d’une tombe glacée au Museum d’Histoire Naturelle en plein cœur de la capitale britannique.
Ce roman fait l’apologie de l’excentricité, de la bizarrerie et de la différence dans une société formatée, normée, coincée même, où ces qualités sont pointées du doigt et mises au ban.
Mais qu’importe, pour notre plus grand plaisir, Elsie se construit alors sa propre famille ! L’occasion de découvrir mille et un personnages truculents servis par les illustrations géniales de Tony Ross. L’alchimie opère une nouvelle fois et décongèlera les cœurs les plus insensibles, faîtes-moi confiance !
Je suis amoureuse de l’écriture de David Walliams et de son humour So British depuis son tout premier livre. Chacun de ses romans est une pure merveille de fantaisie, de drôlerie, de folie et d’aventure servie par une touche anglaise souvent copiée mais rarement égalée. Le monstre des glaces n’échappe pas à la règle et pourtant il n’est pas toujours aisé de se renouveler en restant sur le même registre. Encore une fois, le pari est réussi !
Et comme de nombreux critiques littéraires comparent David Walliams à Roald Dahl, on pourrait même pousser la comparaison en affirmant que sa jeune Elsie est la Matilda d’aujourd’hui. À mettre entre toutes les mains à partir de 7 ans ! Coup de ❤️

???? « Max » de Sarah Cohen-Scali. Scripto. Gallimard 2012.????????
« 19 avril 1936. Bientôt minuit. Je vais naître dans une minute exactement. Je vais voir le jour ‪le 20 avril‬. Date anniversaire de notre Fürher. Je serai ainsi béni des dieux germaniques et l’on verra en moi le premier-né de la race suprême. La race aryenne. Celle qui désormais régnera en maître sur le monde. Je suis l’enfant du futur. Conçu sans amour. Sans Dieu. Sans loi. Sans rien d’autre que la force et la rage. Je mordrai au lieu de téter. Je hurlerai au lieu de gazouiller. Je haïrai au lieu d’aimer. Heil Hitler ! ».
Max est le prototype parfait du programme « Lebensborn » initié par Himmler. Des femmes sélectionnées par les nazis mettent au monde de purs représentants de la race aryenne, jeunesse idéale destinée à régénérer l’Allemagne puis l’Europe occupée par le Reich.
Dès les premiers mots nous sommes dans la tête de Max, l’enfant « échantillon type de la race aryenne ». Et, alors qu’il s’apprête à pousser son premier cri, nous n’allons plus en sortir. Destiné à devenir un parfait aryen (blond, yeux bleus, élancé, mince, crâne dolichocéphale…), Max, qui sera finalement baptisé Konrad par le Führer en personne, va incarner toute l’idéologie nazie eugéniste et hygiéniste. De 1936 à 1945, de sa naissance à la fin de la guerre, des Lebensborn aux enlèvements de plus de 200 000 enfants polonais « germanisables » (car correspondant aux critères de sélection), des autodafés (la Nuit de Cristal est évoquée) aux exécutions sommaires perpétrées par les SS, de l’enseignement dispensé dans les Napola aux camps de concentration et d’extermination, de la débâcle allemande à l’arrivée des alliés, ce roman dépeint par le menu une idéologie raciste et nauséabonde. Et la force de ce roman, c’est que tout se vit de l’intérieur. Comment, en effet, en vouloir à un gosse entre 1 et 10 qui n’aura rien vu et rien appris du monde que l’enseignement des instructeurs dont le seul objectif est le lavage de cerveau et l’embrigadement ?
Mais tout bascule le jour où Konrad fait la connaissance de Lukas, de quelques années son aîné. Il se reconnaît en lui et le fantasme comme le grand-frère qu’il n’a jamais eu : beau, blond, les yeux bleus, musclé, des dimensions parfaites, un maintien de prince, etc. Sauf que Lukas est… juif.
L’incompréhension va alors sournoisement s’insinuer dans tête de « cette gueule d’ange » fanatique parce que le cœur a ses raisons… Lecture à la fois bouleversante et « électro-choquante », ce Max de Sarah Cohen-Scali est un roman coup de coeur et coup de poing. Le point de vue adopté par l’auteure autorise un autre éclairage sur les heures les plus sombres de l’Histoire Contemporaine, en nous proposant une plongée au cœur du III Reich et de son idéologie nationale-socialiste. Une fois en main, il est impossible de lâcher ce livre criant de vérité tant la documentation est rigoureuse. À lire ABSOLUMENT à partir de 14 ans. Coup de ❤️.

???? « Cassius » de Catherine Locandro. Albin Michel Jeunesse, 2019. ????????
Dans les années 50, aux États-Unis, la ségrégation bat encore son plein. Malgré leur jeune âge et l’amour protecteur de leur mère Odessa, Cassius et Rudy en subissent la violence au quotidien. Ils encaissent les inégalités comme autant de coups. Jusqu’au jour où l’aîné des deux frères découvre la boxe… Dans les gymnases, la couleur de peau importe peu. Sur les tapis et les punching-balls, les distinctions s’effacent dans une même odeur de sueur. Jab ! Crochet ! Uppercut ! Pour Cassius, progresser devient rapidement une obsession. Il pratique chaque jour et gagne peu à peu en technique et en endurance, aidé en cela par son entraîneur Angelo Dundee. Sur le ring, son énergie est stupéfiante, et son jeu de jambes si rapide qu’il fait penser à une danse. Ses adversaires peinent à suivre le rythme ! Et ce n’est encore qu’un début…
Catherine Locandro raconte avec sensibilité et passion le parcours et l’ascension extraordinaire de celui que l’on surnommait « The Greatest », l’un des plus grands boxeurs de l’histoire.
Pour écrire cette biographie romancée, Catherine Locandro donne la parole à trois des personnes les plus proches de Cassius : sa mère, son frère et son entraîneur. C’est donc à travers leurs regards croisés et leurs souvenirs que se dessine le destin extraordinaire du plus grand boxeur de tous les temps : Monhamed Ali. Né dans une Amérique ségrégationniste, Cassius est un enfant qui vit très injustement cette différence entre Blancs et Noirs d’autant qu’elle demeure incompréhensible pour un si petit garçon. Mais plutôt que de baisser les bras et la tête, Cassius va braver son destin. Alors qu’on vient de lui voler son vélo, il fait une rencontre qui va bouleverser sa vie, celle d’un policier, entraîneur de boxe à ses heures perdues. Et c’est la révélation !
Discipliné, endurant, ne rêvant que de victoires, le jeune Cassius va, à la seule force de ses poings, gravir une à une les marches qui feront de lui une légende !
Ces leçons de courage, de bravoure et de ténacité sont la marque des champions et quel champion ! L’engouement planétaire pour ce boxeur qui « danse comme un papillon et pique comme une abeille » ne s’éteindra jamais. Il laissera, outre ses innombrables titres, une des images les plus poignantes de l’histoire des JO Modernes : celle où, secoué par la maladie de Parkinson, il enflamme la torche aux Jeux d’Atlanta en 1996, acclamé par une foule en délire.
Rien de plus difficile que d’écrire une chronique quand on a assisté à la genèse d’un projet et comment paraître impartiale quand on suit et aime un auteur depuis ses débuts ? J’avais peur d’être déçue, peur de ne pas retrouver ce que j’aimais dans cette écriture au scalpel qui est la marque de fabrique de la romancière. Mes craintes étaient infondées. Avec ce premier roman jeunesse, l’auteure transforme son essai en coup de maître. Monter sur le ring de la littérature ado et Young Adult était un défi et il a été relevé avec talent. Inspirée par la figure légendaire du boxeur, Catherine Locandro met tout le monde d’accord aux points et aux poings, que l’on soit fan de « boxe » ou pas. À partir de 13 ans. Coup de ❤️ et pas parce que c’est elle, si vous saviez combien on ne s’épargne rien quand on se relit !!!

???? « Miss Charity » de Marie-Aude Murail, Ecole des loisirs, 2008 ????????
Charity est une petite fille de la bonne société anglaise des années 1880. Délaissée par ses parents, elle se réfugie au 3e étage de sa grande maison, avec sa bonne. Pour ne pas devenir folle d’ennui elle élève des souris, dresse un lapin, apprend Shakespeare par coeur et dessine, inlassablement…
Comment devenir indépendante et s’émanciper des codes quand on est née au 19ème siècle dans une famille appartenant à la haute bourgeoisie anglaise ? C’est ce que nous allons découvrir à travers l’histoire de Charity Tiddler. Sous la plume de Marie-Aude Murail, le lecteur devient un intime de son héroïne qui nous livre alors ses pensées, ses états d’âme et ses rêves. D’enfant intelligente et douée pour le dessin à adolescente puis jeune femme qui tente à s’émanciper des convenances que son rang lui imposent, Miss Charity est un livre passionnant qui se déguste comme un scone à l’heure du thé.
600 pages. Presque 600 pages qui se dévorent sans pouvoir s’arrêter. Marie-Aude Murail est une des « page-turner » jeunesse contemporaine française les plus doués qu’il m’est été donné de lire. Jusqu’à Sauveur & fils qui m’a laissée plutôt indifférente, chacune de ses œuvres est, selon moi, une réussite abordant avec justesse des thèmes aussi variés que la maladie, le féminisme, le militantisme politique ou encore l’homosexualité. Ici, l’univers de Miss Charity emprunte beaucoup à Beatrix Potter (la Maman britannique de Pierre Lapin et de Noisette l’Écureuil). Sublimé par les illustrations à l’aquarelle de Philippe Dumas, le roman nous transporte au sein de la bonne Société Anglaise du 19ème siècle, celui où une fillette devait grandir sagement avant d’être présentée au monde et devenir alors une épouse respectable et une mère dévouée, ce qui ne s’accorde pas vraiment avec le caractère de cette héroïne hors du commun. Un voyage à offrir à des bons lecteurs à partir de 12 ans. Coup de ❤️ !

???? « Le Yark  » de Bertrand Santini. Grasset Jeunesse, 2011 ????????
Le Yark aime les enfants. D’un amour si gourmand que les malchanceux qui croisent son sourire peuvent faire une croix sur leur avenir ! Mais sous leurs airs féroces, les monstres dissimulent toujours quelques faiblesses fatales pouvant les mener à leur perte. King Kong avait le coeur sensible, Dracula redoutait le soleil, le Colosse avait les pieds d’argile… Le Yark, lui, a l’estomac fragile. Son ventre délicat ne tolère que la chair d’enfants sages, un peu comme les vieux, qui avec l’âge, ne digèrent plus que le potage. En effet, les bêtises modifient la composition chimique de l’enfant. Quand il commet une mauvaise action, son coeur distille un poison violent et sa chair devient plus toxique que le venin d’une vipère aspic. Le Yark aurait cent fois préféré se régaler de méchants, comme les chèvres qui tout en se nourrissant, débarrassent la Terre des mauvaises herbes, des orties et du chiendent. Mais les bons sentiments n’ont jamais nourri personne. Et surtout pas les Monstres ! Mais les enfants gentils se font rares… Le Yark va tout tenter pour arriver à se nourrir, en vain. Quand la douce Madeleine le recueille et le soigne, il ne peut se résoudre à manger celle qui est devenue son amie…
Difficile de chroniquer ce petit roman sans trop en dévoiler.
Sachez juste que le Yark est un ogre doté d’un estomac fragile et qu’il ne digère que les enfants sages… « Les temps modernes ne produisent quasiment plus d’enfants comestibles ». Avec cette phrase qui n’a l’air de rien, l’auteur plante le décor… Nous avons affaire à un ogre délicat, subtil et complexe. L’amour d’une fillette solitaire, qui aurait ou finir en rillettes, va changer à jamais la face de cette histoire.
Dans ce conte moderne, nous retrouvons l’essence de l’écriture de Bertrand Santini : de l’humour (toujours), de la poésie (rimes et alexandrins s’il vous plaît), de la gentillesse (on va se gêner) et une touche de cynisme (que serions-nous sans ?). Moi, j’adore !
Si pas déjà conquis, Le Yark vous séduira sans aucun doute. Une histoire savoureuse à déguster sans modération ou à laisser fondre sous la langue… Au choix.
À partir de 8 ans mais en vrai pour toute la famille ! Bertrand ❤️

???? « Entre chiens et loups » de Malorie Blackman, Milan / Le Livre de poche Jeunesse, 2001 ????????
Les Primas et les Nihils se font la guerre depuis bien longtemps. Les Primas ont la peau noire, contrôlent le pays et ont tous les droits. Les Nihils ont la peau blanche et sont contraints de vivre dans une société totalement dirigée par les Primas. C’est dans ce monde où les deux races n’ont pas le droit de se mélanger que Callum McGrégor et Perséphone (Sephy) Hadley sont nés. Sephy est noire, fille du ministre de l’Intérieur, et Callum est blanc, fils d’ouvrier. C’est dans la tristesse, la douleur, la trahison, le mensonge et la haine que leur relation va aller de plus en plus loin, jusqu’au jour où un drame les sépare pour toujours.
En plus d’une histoire d’amour à la Roméo et Juliette, l’auteure invente un monde entier (politique, urbanisme, travail, éducation…) fondé sur une inversion astucieuse de la valeur accordée à la couleur de peau. Dès les premiers mots, l’univers de Malorie Blackman s’installe et elle ne lâche plus ses lecteurs jusqu’aux dernières pages de chacun de ces quatre tomes. L’autre idée géniale est d’avoir donné, tour à tour, la parole à ses héros, nous permettant de plonger plus profondément dans leur psychologie, leurs questionnements, leurs doutes… Leurs voix croisées cisèlent l’action et les événements vécus, ce qui renforce encore notre immersion dans ce monde où tous les repères sont inversés. Des larmes coulent, des rires sortent des gorges, des nœuds se tordent dans les ventres… Il est des lectures qui vous accompagnent pas à pas… Celle-ci en fait partie !
Quelle écriture que celle de Malorie Blackman qui parvient avec beaucoup de justesse à aborder tous les thèmes sensibles : le racisme, la ségrégation, l’amour, la haine, la guerre et le quotidien… D’ici quelques années, la saga entière sera un classique !
À partir de 13 ans et pour bons lecteurs mais les adultes prendront également beaucoup de plaisir à lire ces romans. Un classique déjà et un coup de ❤️ éternel.

???? « La fourmi rouge  » d’Émilie Chazerand, Sarbacane puis Pôle Fiction, 2019 ????????
Vania Strudel (un prénom de protège-slip et un nom hommage à une des pâtisseries autrichiennes les plus célèbres) a 15 ans, un oeil qui part en vrille et une vie qui prend à peu près la même direction. En cause :
– Sa mère est morte quand elle avait huit ans,
– Son père, taxidermiste farfelu, roule dans une « ouafture » recouverte d’une moumoute synthétique qui vous fout la honte,
– Pierre-Rachid, son pote de toujours, risque de ne plus le rester…,
– Son ennemie jurée, Charlotte Kramer, star du lycée ne déscotche plus de Pierre-Rachid,
– Sa rentrée en Seconde est proprement catastrophique car sur une maladresse, elle pète le nez du proviseur.
-Pour Vania, c’est clair : l’existence est une succession de vacheries et elle est condamnée à n’être personne. Une fourmi parmi d’autres. Mais un soir, elle reçoit un mail anonyme, qui lui explique en détail que non, elle n’est pas une banale fourmi noire sans aspérités. Elle serait même plutôt du genre vive, colorée, piquante ! Du genre fourmi rouge…
Lire La fourmi rouge, c’est plonger en apnée dans la tête et la vie de Vania Strudel, 15 ans. L’amitié, l’amour, la famille, le lycée, les mensonges dont on s’accommode et les vérités qu’on tait pour ne pas souffrir, tels sont les thèmes abordés dans ce roman. Mais tout le monde sait, et Vania encore plus, que pour passer de « fourmi noire » à « fourmi rouge », il est indispensable de prendre son destin en main. C’est un mail qui va enfin révéler l’adolescente à elle-même. Au fur et à mesure de la lecture se dévoile une héroïne pas banale et l’on prend un plaisir fou à suivre les péripéties qui jalonnent sa vie. On rit beaucoup, on est émus souvent mais toujours admirablement accompagnés par la plume bienveillante de l’auteure. Vania, c’est une fille d’aujourd’hui, forte et fragile, drôle et de mauvaise foi, une fille qui se croit minuscule mais qui a tout d’une géante !
Si Emilie raconte qu’elle est née dans un paquet de nouilles à Strasbourg, je crois surtout qu’elle a reçu l’humour en héritage et un talent indéniable à manier la langue française. Ses personnages, plutôt laissés pour compte, sont déjantés, drôles, touchants, émouvants et terriblement humains. Comment de ne pas l’envisager derrière chacun d’eux ? Quant au style : chaque phrase est plus drôle que la précédente et il est impossible de lâcher ce roman. D’ailleurs de lâcher à acheter, il n’y a que quelques lettres de différence et croyez-moi, vous ne le regretterez pas. À partir de 13 ans et plutôt bon lecteur pour savourer chaque jeu de mots et pépites dissimulées ça et là. Grosse rigolade et coup de ❤️.

???? « Celle qui marche la nuit » de Delphine Bertholon, Albin Michel Jeunesse, 2019 ????????
« Nous sommes donc arrivés à destination sous une pluie battante. Il était seize heures, mais on aurait dit qu’il faisait nuit. Une pancarte en bois piqué annonçait : « La Maison des Pins ». Elle se balançait, lugubre, grinçait dans le vent ; on se serait cru dans un bouquin de Stephen King ».
Malo, 15 ans, déménage, et doit quitter à regret son quotidien parisien. Aussitôt installé dans le sud de la France, il est gagné par l’angoisse. La Maison des Pins, isolée au milieu des bois, semble tout métamorphoser. Les parents de Malo sont absorbés par les travaux de rénovation, Jeanne, sa petite soeur, se réveille en hurlant, parle aux murs et s’est liée d’amitié avec une jeune fille… qu’elle est la seule à voir. Lorsque Malo découvre une vieille cassette audio, vestige d’un passé qui exige de refaire surface, l’adolescent décide de percer, coûte que coûte, le terrible secret qui hante la demeure.
Delphine a l’art de mettre en scène des univers qui me séduisent et je suis heureuse qu’avec ce roman jeunesse elle soit parvenue à séduire le public ado et à rencontrer un beau succès librairies. Entre « Stand by me », « The Haunting » et « Stranger Things » pour l’ambiance, avec son style qui convient à toutes les tranches d’âge, ce roman vous séduira !
Comme pour Catherine, Alix et Bertrand c’est difficile d’écrire sur celles et ceux qu’on aime sans être taxée de « copinage », cela n’a rien de plus faux me concernant et ils le savent❤️.
À partir de 12 ans.

???? « Tarzan poney méchant  » de Cécile Alix, Poulpe fictions, 2017 ????????
Les pensées secrètes d’un poney grincheux enfin dévoilées !
« Je me suis fait avoir sur toute la ligne ! Mon ami Noé a déménagé et sa famille m’a collé en pension au club des Edelweiss, un endroit abominable ! Rempli de stars à crinières tressées et de ponettes à leurs mémères !
Tout ça me rend vraiment… méchant !
Et les choses ne s’arrangent pas quand on m’inflige Jeanne, la pire cavalière qui soit, et qu’on m’oblige à partir en randonnée avec cette maladroite hargneuse sur le dos... ».
J’adore l’écriture enlevée et tordante de Cécile. Qu’elle nous entraîne dans les aventures d’un ????, d’un ????, sur les traces de De Vinci, moi je la suis et vos enfants aussi visiblement, vu le succès que ses romans rencontrent. Coup de ❤️.  À partir de 8 ans.

LIVRE RATÉ PAR EXCELLENCE SELON MOI

???? « It » de Catherine Grive, Scripto-Gallimard, 2019 ????????
« Au collège, on m’appelle « it » et le genre neutre du pronom anglais me va bien. Ce qui ne me va pas, c’est mon corps de fille sous la douche, dans le miroir… Car je sais que je suis un garçon ». Quand une jeune fille de quatorze ans trouve le courage et les mots pour dire à sa famille qu’elle se sent mal dans son genre.
Déception pour ce roman dont la promesse était pourtant belle… Sujet sensible et très « tendance », le thème de l’identité n’est ici que survolé ce qui fait qu’il est impossible de s’attacher au personnage principal. D’ailleurs, l’auteure elle-même ne semble pas très bien savoir qu’en faire, lui donnant du « ELLE » alors qu’il est « IL », s’évertuant à la nommer « Joséphine », sans tenir compte de l’envie d’émancipation que réclame son personnage principal. Tout au long de la lecture, nous sommes en droit de nous demander si la romancière aimait la famille qu’elle avait créée ou si cela avait été une « commande », justement pour « surfer » sur les questions identitaires. Ici, le changement de sexe est traité comme un prétexte ou, pour être plus exacte, il est en marge d’une autre histoire, celle d’un incendie domestique qui ravage l’appartement familial. En effet, les parents et l’entourage de « Jo » sont beaucoup plus (con)centrés sur la perte de leurs bien matériels que sur les questionnements de leur fille en train de s’affirmer en fils…
Le style est aussi très quelconque, ce qui est assez inhabituel pour un Gallimard. Il y a de nombreuses répétitions inutiles, des infos sans intérêt, des voisins belges qui parlent « belge » avec des expressions inconnues du Plat Pays. Bref, tout est « énervant » dans ce roman qui est, de loin, un des pire romans ados jamais lus. Passez votre chemin, il ne vous manquera pas et vous aurez gagné deux précieuses heures ! Pour lire La face cachée de Luna par exemple !

Crève coeur : It n’est clairement pas un coup de cœur. Il est donc inutile de s’y attarder. ????

***
En revanche, si le thème vous intéresse, plongez-vous dans le magnifique roman de Julie Anne Peters La face cachée de Luna. Un texte d’une justesse, d’une beauté et d’une puissance telles, qu’il vous remuera les entrailles. ❤️
Les deux romans sont pour les lecteurs  à partir de 13 ans.

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