Mon premier contrat d’édition : à quoi dois-je faire attention ?
Droits d’auteurs, marge de négociation, délais de remise du manuscrit, droit de préférence, cessions de droit, remboursement de frais… autant de questions angoissantes qui n’auront plus de secret pour vous ! Éclairage juridique par une avocate spécialisée, Virginie Tesnière.
Ça y est, vous allez devenir « auteur » ! Votre premier livre va être publié ! Mais alors, comment les choses vont-elles se passer ? À qui s’adresser pour rédiger son contrat ? À quoi faut-il faire attention ?
Toutes ces préoccupations juridiques ne doivent pas entamer votre joie ni votre mérite à voir votre œuvre prochainement éditée.
Pas de raisons de s’angoisser
Pour autant, il est recommandé de bien lire les contrats qui vous sont proposés, de bien en comprendre les termes et dispositions, voire de vous renseigner sur vos droits, que ce soit auprès d’une association de professionnels (telle que la Société des Gens de Lettres dont le site internet est très bien fait) ou en ayant recours aux conseils d’un avocat qui pourra faire une relecture avisée du contrat afin de défendre au mieux vos intérêts en fonction du genre d’ouvrage considéré (roman, document, biographie ou ouvrage illustré impliquant un co-auteur par exemple).
Quelle marge de négociation ?
Ce contrat prend nécessairement la forme d’un écrit qui contient obligatoirement certaines mentions relatives à l’étendue des droits cédés (nature, durée, usage et destination, zone géographique concernée, etc.).
Certaines dispositions du contrat d’édition sont régies par la loi et échappent donc à la volonté des parties. Elles ne sont donc pas susceptibles d’être négociées ni discutées.
Tout au plus est-il recommandé de veiller à ce que l’éditeur ait respecté ses obligations légales en les intégrant dans le contrat, ce qui est généralement le cas.
D’autres dispositions contractuelles répondent à des usages qu’il est difficile de remettre en cause à tel point que certains éditeurs les insèrent dans des « conditions générales » quasi non-négociables, a fortiori lorsqu’il s’agit d’un premier ouvrage.
Par exemple, les droits seront systématiquement cédés à titre exclusif. De la même manière, l’éditeur se réservera généralement le droit de déterminer le format de l’ouvrage à paraître, ainsi que sa présentation (page de couverture) et la collection dont il fera partie.
En d’autres termes, votre marge de négociation contractuelle, en tant qu’auteur novice, reste assez limitée. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas vous montrer exigeant sur certains points spécifiques ou à solliciter des explications, en cas de doute.
À quelle rémunération peut-on prétendre ?
L’à-valoir (ou avance sur droits) sera versé en 2 ou 3 fois (lors de la signature, de l’acceptation du manuscrit et de la publication). Il est recommandé d’exiger qu’il soit compris comme un minimum garanti, qui vous restera acquis quels que soient les résultats de l’exploitation de l’œuvre. Son montant est fixé librement. Pour un auteur encore inconnu, il pourra être de l’ordre de 2 000 à 7 000 euros.
La rémunération proportionnelle est un pourcentage calculé sur le prix de vente au public hors taxes de l’œuvre en édition courante. Son montant peut varier en fonction du succès de l’œuvre. Ainsi, il est classique de rencontrer une augmentation du pourcentage en fonction des paliers suivants :
- 6 à 10 % de 1 à 10 000 exemplaires vendus ;
- 8 à 10 % de 10 001 à 20 000 exemplaires vendus ;
- 12 à 14 % au-delà.
Le montant de ces rémunérations proportionnelles est fixé librement, de manière « juste et équitable », et il vous appartiendra, si vous le souhaitez, de les négocier à la hausse en jouant sur différents facteurs. Par exemple, diminuer le montant de l’avance pour augmenter les pourcentages de la rémunération proportionnelle (ou inversement), ou encore jouer sur les paliers d’exemplaires vendus.
La rémunération versée à l’auteur au titre des exploitations dérivées de l’œuvre, ou de ses exploitations par un tiers (traductions vendues à l’étranger, merchandising, etc.) se fera également sous forme de pourcentage, mais calculée cette fois sur les recettes hors taxes encaissées par l’éditeur (en principe de l’ordre de 50 %).
Les points de négociation spécifiques
Vous pourrez surtout refuser de céder à l’éditeur vos droits d’adaptation audiovisuelle (cinéma ou télévision), dont la cession n’est d’ailleurs jamais comprise dans le contrat d’édition mais fait l’objet d’un contrat distinct. En pratique, l’éditeur vous proposera systématiquement de signer un contrat de cession des droits d’adaptation audiovisuelle, mais vous êtes parfaitement libre de le refuser sans que cela n’affecte le sort du contrat d’édition.
Ce sera même recommandé si vous êtes vous-même réalisateur ou si vous disposez de relations dans ce domaine vous permettant de vous « passer » de l’éditeur et de gérer l’adaptation audiovisuelle de votre œuvre en direct. Une autre solution consiste à céder vos droits d’adaptation audiovisuelle à l’éditeur (contre une rémunération proportionnelle de 50 %) en prévoyant une répartition de droits qui vous est plus favorable si c’est vous qui êtes à l’origine du projet d’adaptation cinématographique ou télévisuelle (en prévoyant une répartition à 70/30 ou à 80/20 en votre faveur par exemple).
Le tout est de ne pas perdre de vue que lorsque vous cédez votre droit d’adaptation audiovisuelle à l’éditeur (ou tout autre droit d’exploitation d’ailleurs), c’est l’éditeur qui devient titulaire de ce droit et qui peut donc seul en autoriser l’exploitation par un tiers, en vos lieu et place (et sous réserve de respecter votre droit moral bien sûr).
Ce droit de préférence est très encadré par la loi et limité à 5 ouvrages ou une période de 5 ans maximum, pour un genre d’ouvrage nettement déterminé (uniquement des romans de fiction, ou exclusivement des documents historiques par exemple, etc.). Moins l’éditeur sera connu ou convoité par vous, plus vous devrez être vigilant sur la portée du droit de préférence concédé, en le limitant au maximum (à un ouvrage par exemple) ou en le supprimant tout simplement du contrat.
Enfin, vous devrez être attentif aux délais et autres petits détails stipulés dans les clauses du contrat d’édition en essayant de vous mettre en situation afin de réfléchir concrètement à ce qu’ils impliquent pour vous. Par exemple, pourrez-vous librement choisir le titre de votre ouvrage ? Pourrez-vous tenir les délais de remise de manuscrits prévus ? Les corrections de votre manuscrit par un professionnel sont-elles à votre charge ? Des mises à jour sont-elles prévues et à quelles modalités ? Qu’est-il prévu en termes de remboursement de frais en cas de tournée promotionnelle ? Les garanties que vous concédez à l’éditeur ne sont-elles pas trop risquées ? Etc.
Comprendre pour ne pas se braquer
Si certaines clauses demeurent obscures ou incomprises ou si vous avez un doute en raison de la particularité de votre œuvre (qui est susceptible d’impliquer des co-auteurs ou des tiers et de comporter un risque d’atteinte à leur vie privée, à leur réputation ou à des œuvres antérieures par exemple), il est recommandé de consulter un professionnel du droit, qu’il s’agisse de la Société des Gens de Lettres ou d’un avocat, afin que vos droits et intérêts soient protégés et que les garanties consenties à l’éditeur, notamment, soient adaptées en conséquence.
Si toutes vos prétentions ou modifications ne sont pas acceptées, il ne faut pas en prendre ombrage. Cela fait partie du jeu de la négociation. L’essentiel est de savoir cibler et exprimer vos préoccupations majeures afin qu’elles soient prises en compte et que votre ouvrage paraisse dans des conditions sereines.
L’auteur que vous êtes saura trouver les mots justes pour aller dans ce sens !
À propos de l’auteur
Virginie Tesnière est avocate au barreau de Paris et associée du Cabinet Nouvelles. Elle exerce en droit de la propriété intellectuelle et en droit des médias pour des sociétés d’édition et des grands groupes de presse comme pour des auteurs, dessinateurs et photographes. Son activité recoupe aussi bien des problématiques de propriété littéraire et artistique que de droit de la presse et de la personnalités (image, vie privée). Elle intervient aussi bien en conseil (relecture de manuscrits et contrats) qu’en cas de contentieux devant les Tribunaux.