Mon chien Stupide – John Fante
Un roman court, incisif, délicieusement politiquement incorrect, drôle et brillant. La plume de John Fante acide et caustique à souhait à (re)découvrir. Et une adaptation d’Yvan Attal très réussie que l’on doit à une auteur que j’apprécie beaucoup…
Éditeur : Christian Bourgeois Editeur – 10-18
Traduis de l’anglais par Brice Matthieussent
Nombre de pages : 150 pages
Parution : 1985
Prix : 6,60 €
Versions ebook, poche et audio disponibles
Est-ce un mouton ? Un lion ? Un ours ? Rien de tout cela mais juste un énorme chien qui apparaît un soir d’orage dans le jardin de la famille Molise et va sérieusement la bousculer. Henry Molise s’enlise alors dans une vie d’écrivain raté. Il a certes connu un succès vingt-cinq auparavant mais rien depuis. Sa femme Harriet noie ses regrets dans le vin blanc. Quant à leurs quatre enfants, ils semblent tous assez « décalés », pour ne pas dire plus… En tout état de cause, une éducation qui semble avoir passablement échoué… Alors Henry n’a qu’une envie : tout plaquer et partir vers l’Italie ! C’est alors que le chien qui débarque lui offre une opportunité formidable : se venger des siens qu’il tient largement responsables de son échec.
En effet, hormis Henry, tous refusent d’accueillir la bête, baptisée « Stupide », d’autant qu’outre sa corpulence, ce chien s’avère totalement obsédé par toutes les créatures males, canines ou humaines, occasionnant ainsi quelques difficultés et situations embarrassantes… Ce nouveau venu va alors jouer le rôle de catalyseur et mettre à mal l’équilibre familial. Un équilibre qui était toutefois très précaire et qu’Harriet tenait à bouts de bras depuis des années sans qu’aucun membre de la famille ne lui témoigne une quelconque reconnaissance. En dépit des remontrances et ultimatums des uns et des autres, Henry tient bon et conserve son chien contre vents et marées. Chacun des enfants, l’un après l’autre, va alors quitter le foyer familial, jusqu’à Harriet, laissant Henry seul avec Stupide.
« Quand j’ai fait sortir la Porsche du garage, j’ai senti un endroit lisse et mort sur ma joue, là où Harriet ne m’avait pas embrassé pour me dire au revoir. Depuis un quart de siècle, le baiser avant de partir faisait partie intégrante de notre existence. Il me manquait maintenant comme un grain de son rosaire à un moine. »
Un roman court, incisif, totalement politiquement incorrect, drôle et brillant, acide et caustique à souhait à découvrir absolument pour la plume incroyable de John Fante et sa sensibilité.
Et une adaptation d’Yvan Attal très réussie, et que l’on doit en grande partie à …Sylvie Le Bihan ! Étonnant et véridique. Je vous dis tout !
Georges Kern est un homme d’affaires, aujourd’hui patron de l’entreprise suisse de montres de luxe, Breitling. Passionné de cinéma, il souhaitait depuis longtemps produire un film. Après avoir épluché des dizaines de scenari sans être convaincu, il sollicite son amie Sylvie le Bihan et lui demande des idées de livres à lire.
Elle lui recommande alors « Mon chien Stupide » ! Sans savoir que l’adaptation avait déjà été proposée par Claude Berri il y a 20 ans à Yvan Attal, il le sollicite. Et voilà le projet lancé ! Quelle réussite !
J’ai vraiment adoré ce film où les émotions sont au rendez-vous. J’avoue ne pas être très objective lorsqu’il s’agit de ces artistes… mais tout de même, quel plaisir ! J’attendais fermement de voir ce film depuis que Charlotte, que j’avais eu le bonheur d’interviewer pour Paris Match Suisse il y a tout juste un an, l’avait évoqué.
C’est le troisième film qu’Yvan Attal et Charlotte Gainsbourg tournent ensemble, après les excellents « Ma femme est une actrice » et « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants », trois visions du couple et du temps qui passe.
Irrésistible ici de ne pas se demander quelle part d’eux-mêmes ils ont mis dans ce couple de fiction tant leurs jeux sonnent justes, ambiguïté entretenue par la participation de leur propre fils Ben au casting, dans le ton lui aussi. Mais après tout, quelle importance ?! Les scènes qu’ils jouent tous les deux m’ont littéralement fait passer du rire – notamment quand ils se livrent à leur activité préférée consistant à se moquer de leurs propres enfants (et on les comprend !) – aux larmes, particulièrement lorsqu’Alice annonce à Henri qu’elle le quitte. Autre scène formidable et qui vaut, à elle seule, le billet d’entrée au cinéma : celle où Henri se confesse à Alice dans une voiture sur le parking d’un supermarché ❤️
Nombreux sont ceux qui avaient renoncé à adapter ce roman, n’envisageant qu’une réalisation américaine possible. La transposition qu’en a faite Yvan Attal, en situant l’action dans le pays basque, fonctionne tout à fait. Et, à certains égards, je ne suis pas loin d’avoir préféré certains passages du film au roman !
À propos de l’auteur
John Fante est un romancier, nouvelliste et scénariste, né en 1909 et mort en 1983. Lecteur passionné, il a commencé par écrire des nouvelles et a été publié pour la première fois en 1932 dans la revue prestigieuse « The American Mercury ». Jugé trop provocant, son premier roman « La route de Los Angeles » ne sera pas publié de son vivant. C’est en 1938 que paraît son roman devenu célèbre : « Bandini ». Puis, Fante a mené une carrière de scénariste à Hollywood. Il tomba dans un oubli relatif jusqu’à ce que Charles Bukowski qui le vénérait, entreprenne avec son ami et éditeur John Martin de Black Sparrow Press, de rééditer « Demande à la poussière ». À la fin de sa vie, en 1978 il devient aveugle et cul-de-jatte par des complications de son diabète et dictera son dernier roman, « Rêves de Bunker Hill » à sa femme Joyce. « Mon chien Stupide » fut publié à titre posthume en 1985.