Les Hirondelles de Kaboul – Yasmina Khadra
Un roman sombre et intense qui résonne douloureusement à l’heure où les attentats perpétués à Kaboul se multiplient. Bouleversant et tragiquement humain.
Éditeur : Julliard
Nombre de pages : 148
Parution : 2002
Prix : 18 €
Versions ebook, poche et audio disponibles
Voici un moment que l’envie de lire Yasmina Khadra me titillait… La sortie début septembre du film d’animation adapté par la talentueuse Zabou Breitman (avec les dessins très réussis d’Eléa Gobbé-Mévellec) de son roman « Les hirondelles de Kaboul » en a été une belle occasion.
Ce livre est une ambiance, celle d’une ville musulmane qui a totalement perdu sa superbe et qui, anéantie, se meurt littéralement, écrasée par une chaleur accablante, aux prises avec des talibans terrifiants, « une ville en état de décomposition avancée », où même la musique a disparu, note l’un des personnages.
S’il n’y avait que cela… Misère, lapidations, violence, désespoir, gouvernent le quotidien des habitants de Kaboul, pour la plupart résignés. Quelques-uns tentent cependant de résister, à leur manière.
2001. Deux couples évoluent dans cette ville. Atiq en est le geôlier. C’est lui qui a la triste charge de conduire les condamnés vers la mort. Après des années de bons et loyaux services, il n’en peut plus, tout sens à sa vie l’ayant quitté, d’autant que sa femme, Mussarat, est gravement malade et vit sans doute ses derniers jours. Quant à Mohsen, c’est un intellectuel et lui aussi est à bout de force. Il erre jours et nuits dans les rues et trouve son seul réconfort en sa femme, Zunaira, ancienne avocate, militante féministe, qui demeure cloitrée chez elle ne pouvant endurer l’obligation de porter le tchadri :
« Avec ce voile maudit, je ne suis ni un être humain ni une bête, juste un affront ou une opprobre que l’on doit cacher telle une infirmité ».
Un jour, il commet l’impensable et, tentant de retrouver un semblant d’humanité, il la convainc de sortir prendre l’air. Mais les choses ne se passent absolument pas comme il l’avait espéré et sa femme se retrouve en deux temps trois mouvements derrière les barreaux, condamnée elle aussi à être lapidée.
« Les hirondelles de Kaboul » est un roman sombre, tragique et qui résonne douloureusement à l’heure où les attentats perpétués dans cette ville se multiplient. Toute forme de raison a cédé place à l’obscurantisme le plus profond et le roman de Yasmina Khadra parvient parfaitement à nous faire toucher du doigt cette terrible réalité du point de vue des habitants de Kaboul qui subissent le régime en place bien davantage qu’ils ne l’ont choisi :
« Les hommes sont devenus fous ; ils ont tourné le dos au jour pour faire face à la nuit ». Zunaira, à qui Mohsen disait « ton visage est l’ultime soleil qui me reste (…) ne me le confisque pas », répond « Aucun soleil ne résiste à la nuit ».
Kaboul ©Marcus Perkins for Amnesty International.
L’opposition soleil/jour et nuit ponctue ainsi le roman, lui imprimant une tristesse infinie. En dépit de cette noirceur, je l’ai beaucoup aimé : un roman court et pourtant si intense, qui à travers ce conflit malheureusement d’actualité, traite de thèmes universels comme l’amour, la culpabilité, de manière poignante et convaincante, dénonçant avec beaucoup d’humanisme l’oppression dont les femmes sont l’objet. « Les hirondelles de Kaboul » fait partie d’une trilogie qui comprend également « L’attentat » et « Les Sirènes de Bagdad », tous trois traitant des conflits entre Orient et Occident.
À propos de l’auteur
Yasmina Khadra fut officier de l’armée algérienne qu’il quitta en 2000 pour s’adonner à sa passion : l’écriture. Consacré à deux reprises par l’Académie française, il est traduit dans une cinquantaine de pays. Adaptés au théâtre (en Amérique latine, Europe et Afrique) et en bandes dessinées, certains de ses livres sont aussi portés à l’écran (Morituri ; Ce que le jour doit à la nuit ; L’Attentat). Yasmina Khadra a aussi co-signé les scenarios de La Voie de l’ennemi, avec Forest Whitaker et Harvey Keitel, et de La Route d’Istanbul, tous deux réalisés par Rachid Bouchareb. Ce que le jour doit à la nuit a été adapté au cinéma par Alexandre Arcady en 2012. L’Attentat a reçu, entre autres, le prix des Libraires 2006 et a été traduit dans 36 pays. Son adaptation cinématographique par Ziad Doueiri est sortie sur les écrans en 2013. Le film d’animation de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec Les Hirondelles de Kaboul, a été présenté à Cannes en 2019 dans la prestigieuse sélection Un certain regard. À 64 ans, Yasmina Khadra prône l’éveil à un monde meilleur, malgré le naufrage des consciences et le choc des mentalités.