La Disparition de Josef Mengele – Olivier Guez
Un livre brillant, passionnant et nécessaire sur la vie du sulfureux docteur d’Auschwitz – Josef Mengele – à partir de sa fuite en Amérique du Sud en 1949.
Éditeur : Grasset
Nombre de pages : 240
Parution : Août 2017
Prix : 18,50 € ; Versions ebook, poche et audio disponibles
Comme beaucoup d’anciens nazis, Josef Mengele, tristement célèbre « Docteur d’Auschwitz », se réfugia en Amérique du Sud à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, afin d’échapper à tout procès. Rappelez-vous, ce criminel, désigné comme « L’Ange de la mort », avait pour mission non seulement de trier les déportés lorsqu’ils arrivaient sur la rampe du camp mais expérimentait sur quelqu’uns d’entre eux qu’il n’envoyait pas directement à la mort des atrocités diverses, en particulier sur les jumeaux dont il cherchait à percer le secret scientifique de leurs origines.
Le brillant livre d’Olivier Guez, qui obtint d’ailleurs le prix Renaudot ainsi que le prix des prix en 2017, retrace la vie de ce sinistre personnage à partir de 1949, où il rejoint l’Agentine de Peron, faite de fuites sous différents pseudonymes et de traque, en passant par le Paraguay, le Brésil… Trente années de cavale avec au départ une période faste, où argent, femmes et dolce vita sont au programme, suivie d’années beaucoup plus sombres où l’on assiste à l’auto-destruction d’un Mengele devenu totalement parano, une punition sans aucun doute bien plus efficace pour ce tortionnaire que s’il avait passé sa vie en prison.
Un livre d’abord fascinant car si on sait que l’Amérique du Sud était un repère pour les anciens SS, on ignore de quoi a pu être faite leur vie d’exil. En cela, le roman d’Olivier Guez est très éclairant et met en lumière la manière dont ce monstre a pu survivre, grâce à l’assistance financière de sa famille, mais aussi à la complaisance de ses pays d’accueil où il a toujours pu trouver des soutiens. Il montre aussi à quel point cet homme ne s’est absolument jamais remis en cause les années passant, demeurant fier du « travail accompli ».
Josef Mengele, 3e en partant de la droite, au cours d’un pique-nique au Brésil en 1970 – Photo AFP
J’ai également beaucoup aimé le rythme imprimé dans ce roman historique qui, tout en faisant le focus sur cette fuite, revient sous forme de flashbacks sur les atrocités commises par cet horrible personnage. Elles sont sobrement évoquées, même si certaines m’ont paru difficilement soutenables, de manière à ne pas oublier de qui et de quoi on parle réellement mais elles ne constituent pas l’essentiel du livre qui se concentre sur l’après-guerre et la manière dont le criminel s’y est pris pour demeurer en vie, libre d’une certaine façon, même si lui a pu trouver sa vie de traqué abominable, une sorte de punition finalement. Un rythme qui confère au livre des airs de roman policier puisqu’on attend jusqu’à la fin de savoir quel a été le véritable sort de Mengele.
Un livre qui m’a captivée aussi par sa richesse et sa précision. Si Olivier Guez a choisi la forme romanesque pour évoquer Mengele, c’est pour mieux l’approcher : ce livre, on le sent bien, est nourri de recherches et d’enquêtes approfondies. Après la (re)lecture de « L’Adversaire » d’Emmanuel Carrère, voici un nouveau livre de non-fiction, dans la droite ligne de « De Sang froid » de Truman Capote : tout y est vrai, avec l’inspiration du romancier pour combler quelques « manques d’information » et conférer au récit une tournure romanesque formidable. J’ai apprécié la distance que l’auteur conserve tout au long du livre envers le personnage de son roman, aucune empathie qui n’empêche absolument l’intérêt que l’on peut lui porter.
Un livre, enfin, nécessaire :
« Toutes les deux ou trois générations, lorsque la mémoire s’étiole et que les derniers témoins des massacres précédents disparaissent, la raison s’éclipse et des hommes reviennent propager le mal.
Puissent-ils rester loin de nous, les songes et les chimères de la nuit.
Méfiance, l’homme est une créature malléable, il faut se méfier des hommes ».
À lire, absolument, et/ou à écouter, pour profiter aussi de la voix d’Olivier Guez enrichissant grandement son propos.
À propos de l’auteur
Olivier Guez est journaliste et écrivain, il est né à Strasbourg en 1974, où il a étudié notamment à Sciences-Po.
Il est l’auteur, entre autres, de L’Impossible retour, une histoire des juifs en Allemagne depuis 1945 (Flammarion), Éloge de l’esquive (Grasset) et Les Révolutions de Jacques Koskas (Belfond).
Il a reçu en 2016 le prix allemand du meilleur scénario pour le film Fritz Bauer, un héros allemand.
Le site d’Olivier Guez : http://www.olivierguez.com/