La Dérobée – Sophie De Baere
« …une écriture soignée qui vous accroche d’emblée. Une histoire que je n’ai pu lâcher avant d’avoir tourné la dernière page ».
Éditeur : Éditions Anne Carrière
Nombre de pages : 250
Parution : avril 2018
Prix : 18 €
Pas de version ebook
Le plaisir infini de découvrir une nouvelle et magnifique plume : tel a été mon sentiment à la lecture des toutes premières pages du roman de Sophie De Baere, La Dérobée. Le prologue à peine posé, tout se met en place d’une écriture soignée qui vous accroche d’emblée. Loin de n’avoir qu’un style, ce qui est déjà beaucoup… l’auteur est aussi une conteuse de talent, qui embarque le lecteur dans une histoire que je n’ai pu lâcher avant d’avoir tourné la dernière page. En quelques mots, Claire, 43 ans, vit à Nice. Caissière sur une aire d’autoroute, elle mène une vie rangée, aux côtés de son mari François, et de ses enfants devenus grands. Mais un jour, elle croise sous la porte cochère de son immeuble son premier amour, celui de ses 15 ans, en la personne d’Antoine, qui emménage là avec sa femme…
« Au fond, on ne se sèvre jamais d’un amour comme celui-là ».
C’est la douloureuse et nécessaire expérience que Claire va vivre au cours d’une introspection réalisée dès lors qu’Antoine surgit à nouveau dans sa vie, elle qui avait pourtant mis tant d’années à tenter d’oublier son aventure achevée… à la dérobée. Un titre particulièrement bien choisi pour ce premier roman, un joli mot qui s’entend de multiples manières et qui s’applique à tous les aspects du roman qui m’ont touchée.
Se dérober, c’est s’enfuir, échapper à ce que l’on devrait vivre et en ce sens, la « dérobée », c’est avant tout celle de Claire. Référence à Bénabar, elle est « de celles » qu’on ne remarque pas vraiment. « Pas assez jolie. Pas assez intelligente. Pas assez efficace. Pas assez drôle. Je suis l’incarnation du manque » pense-t-elle. Claire a passé sa vie dans la transparence, honteuse de sa condition, victime d’un fort complexe d’infériorité à toutes épreuves qui avait pu céder un temps, l’été où Antoine était tombé amoureux d’elle, mais qui s’était imposé par la suite, guidant sa vie, jusqu’au jour où Antoine réapparaît. Pourtant, lui aussi s’est dérobé, longtemps, fuyant les évidences. Mais peut-on infiniment se dérober aux réalités ? « Dérobées », ce sont aussi les vies de plusieurs des personnages de ce roman. Ceux disparus trop vite, accidentellement ou pas, ces jeunes filles à l’innocence subtilisée, clé du livre de Sophie de Baere.
Au-delà de l’histoire prenante qu’elle a imaginée et restituée à travers de courts chapitres, s’enchaînant efficacement, c’est à différentes réflexions que l’auteur nous invite, sur la vie de couple et la possibilité de la faire durer, mais aussi sur le deuil : comment continuer à vivre avec des absents qui prennent beaucoup de place et donnent le sentiment d’être délaissés ? Comment composer avec les mots qu’on a tus, les sentiments qu’on a refusés d’exprimer auprès de personnes qui ne sont plus là ?
Un premier roman fort qui ne laisse pas indifférent, tant pour ses personnages, touchants, son intrigue, prenante, et ses mots : un style littéraire raffiné, coloré, dont on se délecte à chaque instant : « Antoine et moi esquissions un amour astral », « je mettais de la dentelle arc-en-ciel sur le gris de mes habits », « un crachin de soie dans la nuit bleue » pour ne citer que quelques extraits…
Il y a dans le mot « dérobée » une certaine idée d’urgence, d’instants volés, comme les baisers. J’ai été emportée ! Merci !
À propos de l’auteur
Après avoir étudié la philosophie, Sophie De Baere vit et enseigne à Nice. La Dérobée est son premier roman.
Pour en savoir plus sur Sophie De Baere, lisez cet entretien qu’elle m’a accordé, croisé avec celui de Guillaume Para… Passionnant !
Sophie De Baere n’écrit pas seulement, elle compose et chante aussi ! C’est à l’occasion du Festival de Nice de juin 2018 qu’elle a interprété six chansons qui ont accompagné la lecture d’extraits de La Dérobée. Absolument charmant !