Impunité – Hélène Devynck

« L’affaire PPDA ». Chacun en a entendu parler, s’est plus ou moins forgé sa propre opinion sur les faits selon ce que les médias ont diffusé. Il y a eu des plaintes, des classements sans suite, des poursuites judiciaires, des tribunes, des articles, des émissions de télévision. Ont surgi les mots viol, prescription, agression, consentement, sidération, séduction… Et puis a paru fin septembre le livre d’Hélène Devynck, « Impunité ».

Alors que tout semble avoir été dit, je ressors pourtant sonnée de sa lecture, écœurée également et, surtout, éclairée sur la manière dont une telle impunité a pu être préservée durant des décennies. Dans ce livre, l’auteur décortique en effet l’ensemble du système qui a permis que de tels agissements puissent se répéter aussi longtemps.

La révélation publique des agressions a débuté avec la plainte pour viol de Florence Porcel en février 2021. À sa suite, plusieurs femmes, dont l’auteur d’« Impunité », ont exprimé un « me too » en soutien de cette démarche, se sont signalées auprès des policiers en charge de l’affaire pour les informer de faits similaires commis à leur encontre par la même personne alors qu’elles étaient le plus souvent en début de carrière. Au moment où Hélène Devynck écrit ce livre, elles sont une soixantaine à s’être manifestées, 90 lorsque l’ouvrage paraît et probablement plus encore aujourd’hui.

À travers les témoignages de plusieurs des agressions commises qu’Hélène Devynck livre froidement, rapidement, sans emphase, s’en tenant aux faits dans leur crudité, structurés de manière habile au fil du récit, elle permet d’approcher au plus près du mode opératoire de l’agresseur dont les agissements ne pouvaient être totalement ignorés des personnes travaillant et évoluant dans son entourage. Il est ici question de pouvoir, celui d’un homme de media tout puissant et extrêmement populaire qui, dans un système patriarcal le protégeant, se sert des femmes à sa guise. De leur côté, très difficile de parler voire impossible même pour celles parvenant à poser des mots. Passée la sidération, la révélation des faits serait en effet synonyme de rupture professionnelle et, parfois familiale et amoureuse.

« Impunité » est aussi particulièrement intéressante pour la réflexion menée sur la justice, une interrogation des concepts et notions de consentement, de prescription, de diffamation, de classement sans suite… Et l’auteur de s’interroger : « dès qu’il s’agit de crimes sexuels, la justice semble empêchée. Elle ne répare pas. Ou si peu et si rarement. Elle ne protège pas et, surtout, elle ne dissuade pas. Ou plutôt aussi. À l’envers. Elle dissuade surtout les victimes de porter plainte. »

En ceci, ce livre s’inscrit clairement dans la droite ligne de ceux qui, décryptant des systèmes, ont mis en lumière des victimes et ont contribué, ce faisant, à une prise de conscience de la société et, parfois, à une évolution de la manière dont le droit s’en est emparé. On pense notamment à « La Consolation » de Flavie Flament, « Le Consentement » de Vanessa Springora et encore « La Familia Grande » de Camille Kouchner.

« Impunité » permet de mieux saisir les enjeux de cette affaire qui nous concerne tous finalement. On ne peut en effet s’empêcher de non seulement s’interroger sur la manière dont on aurait réagi face à une telle violence, subie ou connue, mais aussi sur ce que l’on peut transmettre en tant que parent à ses enfants, filles ou garçons. Ce livre courageux est enfin une formidable histoire d’amitié, de sororité entre celles que le plus sordide a rapprochées, malgré elles, et rendues indéniablement plus fortes réunies. Une lueur réconfortante dans ces ténèbres.

À propos de l’auteur

Née en 1966 à Paris, Hélène Devynck, est une journaliste française de télévision. Entrée à TF1 à la fin des années 80, elle fut l’assistante de Patrick Poivre d’Arvor de 1991 à 1993. Elle a ensuite contribué à la création de la chaîne d’information en continu LCI où elle a longtemps présenté les journaux télévisés. « Impunité » est son premier livre.