Entretien avec Nathalie Couderc

 

Je la suis depuis des années sur les réseaux sociaux, souris souvent à ses prises de position affirmées et me fie les yeux fermés à ses recommandations de lecture. Découvrez Nathalie Couderc, une libraire engagée, qui exerce son si beau métier à Caussade dans le Tarn-et-Garonne. 

Julie Vasa : Comment ta passion pour les livres est-elle née ?

Natalie Couderc : Depuis que je suis toute petite, il y a toujours des livres autour de moi. Dès que j’ai su lire, on m’a toujours offert des livres. Dès que je le pouvais, je lisais. Le livre est un objet que j’ai l’habitude de manipuler et que j’aime. Petite, je ne jouais pas à la marchande mais au libraire dans la bibliothèque de mon père ! Donc j’imagine que ça vient de là…

J.V. : Comment as-tu pensé à ouvrir une librairie à Caussade ?

N.C. : Ce n’est pas moi qui ai ouvert la librairie qui est à la base une Maison de la Presse dans laquelle on a développé la librairie. Nous sommes aussi libraire indépendant de niveau 2. Je me suis associée en 2010, j’ai pris la continuité avec fierté.

J.V. : On te surnomme le « Chevalier-Libraire ». Qui en a eu l’idée et qu’est-ce que cela signifie ?

N.C. : Ce surnom, je l’ai depuis 2013 et je le dois à Valérie Tong Cuong quand j’ai défendu et soutenu son livre « L’Atelier des miracles ». Il vient du fait que je défends aussi bien les livres que les auteurs. Cela représente mes valeurs et mon éthique personnelle.

J.V. Tu développes des relations fortes avec plusieurs auteurs : que vous apportez-vous mutuellement ?

N.C. : En premier lieu de l’échange littéraire, de la confiance, parfois de l’amitié.

J. V. : Quel est ton meilleurs souvenir avec un auteur ?

N.C. : J’en ai beaucoup qui sont forts. Mais je dirais ce moment suspendu et privilégié dans ma voiture avec Amanda Sthers où j’ai pu lui expliquer comment et pourquoi son livre « Les Terres saintes » a été important dans ma vie de libraire et l’une de mes premières croisades (ndlr : ce livre vient d’être adapté au cinéma par l’auteur elle-même : Holy lands, sortie le 9 janvier 2019). Puis mon balayage complet et détaillé sur tous ses livres.

J.V. : Et avec un lecteur ?

N.C. : Avec un client sourd et muet car c’est toujours intense et plein d’émotions pour lui comme pour moi.

J.V. : Pourrais-tu nous citer quelques perles entendues dans ta librairie ?

N.C. : « Bonjour, je voudrais les Escarpins fourbes de Molière ! » Mon plus grand fou rire je crois. « Voilà je voudrais offrir un livre chiant à ma belle-mère que je déteste ! ». « Bonjour, je voudrais un livre mais je vous préviens, je ne lis que les Auteurs morts ! ». « Vous avez Thérèse et les ramequins ?! »

J.V. : Quels sont tes trois livres préférés que tu relis avec autant de plaisir ?

N.C. : « Mémoire d’outre-tombe » de Chateaubriand, « L’invention de nos vies » de Karine Tuil et « Par amour » de Valérie Tong Cuong.

J.V. : Combien de livres lis-tu chaque semaine ?

N.C. : Cela dépend de mon état mais en général quatre livres. Parfois, il peut m’arriver de ralentir ma lecture et de lire un livre par semaine !

J.V. : Quels sont tes trois derniers coups de cœur littéraires et pourquoi ?

N.C. : « Avec toutes mes sympathies » d’Olivia de Lamberterie. Parce que ce livre a transpercé mon armure … « Chien-loup » de Serge Joncour : une histoire pleine d’humanité malicieusement féline. Cette écriture qui transporte et puis parce que ça se passe à 30 km de chez moi !!! « Tous les hommes désirent naturellement savoir » de Nina Bouraoui. Un texte engagé sur les origines, le désir, sur ce que l’on devient, ce que l’on est. C’est beau, c’est puissant.

J.V. : Comment vis-tu ton métier à l’heure d’Amazon ?

N.C. : Mal comme tous mes confrères. Surtout que je suis dans un milieu semi rural et que parfois, il arrive que mes commandes parviennent avec du retard… On ne peut pas rivaliser avec le stock non plus. Mais j’ai un avantage sur Amazon : moi, je suis en face de mon client et je peux lui donner un conseil personnalisé ! Et ça cela n’existe pas chez eux !

J.V. : Quelle est ta définition d’un « bon libraire » ?

N.C. : Ce n’est pas à moi de donner cette définition. 

J.V. : Selon toi, les réseaux sociaux ont-ils un impact positif sur les lecteurs, leurs choix ?

N.C. : Les réseaux sociaux ont un impact sur les lecteurs, c’est certain. C’est un très bon moyen pour promouvoir un livre ou autre chose d’ailleurs. Donner un avis sur un livre, c’est bien, cela donne une tendance mais attention à la dérive… 

J.V. : Noël approche : quels livres conseillerais-tu aux membres d’une famille comportant un couple, un/une ado, un/une petit de 10 ans et des grands-parents ?

N.C. : À un couple : « La seule histoire » de Julian Barnes. À des grands-parents : « La révolte » de Clara Dupont-Monod. Pour les enfants, je suis complètement incompétente car je ne lis pas les livres jeunesse. Je ne suis pas « libraire –jeunesse ». 

« Je défends aussi bien les livres que les auteurs. Cela représente mes valeurs et mon éthique personnelle. »

J.V. : Tu défends à chaque rentrée littéraire une sélection de quelques livres. Comment les choisis-tu ? Quels sont tes critères de sélection ?

N.C. : C’est un secret professionnel ! Mais toujours avec le cœur, le flair et l’exigence qui me caractérise ! 

J.V. : Des indices sur ta prochaine croisade…?

N.C. : Aucun ! ■

Maison de la presse de Caussade ©️Brigitte Lannaud Levy

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