En pleine lumière – Florian Eglin

 

 

Luca Parisi a 16 ans et il est fâché contre tout… Aux apprentissages, il préfère la baston. Une histoire qui m’a séduite, portée par l’écriture de Florian Eglin, auteur suisse que je découvre avec ce livre, tout en force et en finesse. Percutant !

 

 

Éditeur : BSN Press

Nombre de pages : 72

Parution : janvier 2019

Prix : 10 €

Pas d’ebook disponible 

Un récit bref, tenu, à la manière d’un combat. Celui que Luca, 16 ans, mène contre tous ceux qui l’entourent, et contre lui-même surtout. Le sentiment d’être dans « un corridor vide de toute clarté », « un tunnel obscur et droit » : désabusé, en rupture avec l’école, avec son père, et tout ce qui l’entoure… Luca privilégie la baston aux apprentissages, une manière d’attirer les projecteurs sur lui sans doute. Dépourvu de perspectives, il aurait pu poursuivre sa chute. Mais heureusement, à la faveur d’un sérieux dérapage, l’occasion de prendre en mains son destin s’offre à lui. La rencontre avec un professeur de français adepte des arts martiaux et des tatouages s’avère en effet décisive et permet à Luca de réaliser que son destin est entre ses poings et que la vie est devant lui.

Ce microroman initiatique m’a touchée. D’abord en raison de la bienveillance qui anime la plupart de ses protagonistes et qui permet à Luca de canaliser sa violence. Son professeur de français pour commencer qui, las, aurait pu renoncer. À l’inverse, ce dernier s’engage et s’investit en permettant à Luca de s’orienter vers ses deux passions : les arts martiaux mixtes (MMA), incarnés par Conor McGregor, et le dessin. En cela, le livre de Florian Eglin reflète particulièrement bien la manière dont les études « classiques » sont perçues en Suisse, bien différemment de leur appréhension en France : loin d’être une fin en soi, elles ne s’avèrent pas indispensables pour se réaliser, au profit d’autres voies non moins nobles. Le professeur de MMA, ensuite, qui lui aussi, donne sa chance à Luca en l’accueillant au sein du Nobushi dont la devise est « le respect de l’autre et le respect de soi ». En acceptant Luca chez lui, il lui fournit le cadre qui lui manquait.

Conor McGregor

La relation que Luca entretient avec son père et sa sœur m’a elle aussi beaucoup plu, même si elle n’est pas centrale dans ce livre. On le comprend rapidement, les causes du comportement violent de Luca trouvent leurs racines dans son histoire familiale. Florian Eglin l’aborde avec délicatesse, sobrement et de manière si juste que je n’ai pu retenir quelques larmes. Une écriture qui fait mouche chez un auteur talentueux tout juste discerné Plume d’or des Écrivains genevois 2018 ! Et cerise sur le gâteau pour ceux qui l’apprécient déjà ou qui le découvrent avec ce livre, il publie en même un second roman : « Il prononcera ton nom » (La Baconnière, janvier 2019).

 

C’est enfin la symbolique de ce livre qui a su me séduire, cette reprise en mains par Luca de son destin, sa pugnacité dans les épreuves et sa volonté de se maîtriser, à l’image de la carpe, reproduite dans de nombreux tatouages japonais qu’il va aussi apprendre à dessiner et qui représente cette bravoure face aux difficultés. Une ascension par le sport qu’il pratique avec acharnement, son point de salut, lui permettant de se révéler enfin, « en pleine lumière ».

Il est donc question d’un sport dans ce livre – le MMA – particulièrement bien appréhendé par son auteur qui le pratique et qui par ailleurs, est ceinture noire de judo. Mais il va bien au-delà et c’est précisément cela qui m’a plu !

 

« En pleine lumière » appartient à la collection « Uppercut » des Éditions BSN Press. À travers des fictions brèves, accessibles, habitées de tension narrative, la collection Uppercut vise le sport dans la pluralité de ses expressions : les disciplines officielles et moins officielles, le spectaculaire et l’intime, l’argent et le lien social, l’aliénation et le dépassement de soi.

Il rejoint ainsi plusieurs ouvrages qu’il me tarde de découvrir notamment « 24 heures » de Marie-Christine Horn ; « Les poings » de Joseph Incardona ; « Eaux troubles » de Philippe Lafitte.

 

© Laurent Guiraud

À propos de l’auteur

Florian Eglin est né le 7 décembre 1974 à Genève et enseigne le français au collège. Il est l’auteur à La Baconnière d’une trilogie mettant en scène Solal Aronowicz, un dandy alcoolique, esthète et violent ainsi que d’un livre paru en janvier 2019 : « Il prononcera ton nom ». Il a aussi publié « Ciao Connard » aux Éditions de la Grande ourse en 2016, année où il a reçu le Prix du Salon du livre de Genève. Il vient aussi d’être distingué Plume d’or des Écrivains genevois 2018. 

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