Une trajectoire exemplaire – Nagui Zinet

« Le bonheur est rarement du côté des pauvres types » lit-on en 4e de couv. d’ « Une trajectoire exemplaire ». Ce livre le laisse penser… A mille lieux d’un « feel good » ordinaire, « Une trajectoire exemplaire » de Nagui Zinet pourrait pourtant être le roman qui vous fera le plus rire en cette rentrée littéraire. Un ouvrage à l’humour noir réjouissant. Le ton de cette lecture est d’ailleurs donné dès le prologue intitulé « Patrick Dewaere ». Nous serions tous des paumés en puissance, en manque d’amour et aux pensées suicidaires. « Les amours ratent, mais de peu, c’est ainsi que commencent les suivantes ». Des existences qui ne pourraient être traversées que sous substances et emplies de littérature !

25 ans, sans emploi, N. occupe ses journées à écumer les bars et les salles obscures, tout en enchaînant les cigarettes, les lectures de Fitzgerald, Fante, Carver, Thompson…, les disques de Berger et de Souchon, et les rencontres d’un soir. Rien de glorieux mais un sort dont il s’accommode plutôt bien, s’assommant d’alcools, de somnifères et autres anxiolytiques. Il écrit aussi, un journal publié sous forme de blog rédigé à la deuxième personne du singulier, où sont consignés ses états d’âme, souvent peu avouables. C’est son journal qui constitue la majeure partie de ce roman. A Irène rencontrée un soir, il se dit auteur de nouvelles. Ils passent ensemble une première nuit, trompant mutuellement leurs solitudes. N. s’installe alors chez elle : un quotidien vite partagé. Un nouveau départ ? Absolument pas. L’opportuniste, N. toujours en proie à ses démons, se lasse et se joue d’elle sans scrupule, jusqu’au jour où elle s’en aperçoit. La chute de N. s’accélère alors, jusqu’au drame.

Très éloigné du politiquement correct et à l’heure des lectures « sensibles » où il ne faudrait pas heurter les lecteurs, ce roman prend un parti inverse, se souciant peu semble-t-il de bousculer. Un parti pris osé de ce jeune auteur talentueux, dont c’est le premier roman.

En dressant le portait d’un loser en chute libre, dont rien ne parviendra à dévier la trajectoire, Nagui Zinet signe un roman audacieux, rafraichissant, cynique et touchant, clairement à part. Si vous ne le suivez pas encore, allez faire un tour sur son compte insta, décalé et irrésistible (@nestormaigret), qui lui a valu d’être notamment repéré par son éditrice, Joëlle Losfeld. Et lui d’y commenter lors de la signature de son contrat d’auteur :

Nagui Zinet a le sens de la formule. Quelques répliques irrésistibles, parmi toutes celles qui parsèment ce livre :

💬 « Un livre est indispensable quand on boit en public, tu le sais bien : il donne de soi l’image d’une épave raffinée. »

💬 «  Sur cette terrasse de café, comme dans ce récit, tu essaies de gagner du temps. Pour ne pas dire ton angoisse, ta médiocrité, tes mensonges. La différence, c’est qu’ici tu comptes bien passer aux aveux. »

💬 « ce qui est pénible avec l’alcoolisme, c’est cette manie qu’on a de se transformer en personnage de Modiano »

💬 « même écrire de la merde n’est pas à la portée de tout le monde »

💬 « si la réussite c’est d’aller d’échec en échec, ton heure ne devrait pas tarder »

💬 « Tes amis te rappellent chaque jour ta différence, toi le type sans ambition, sans amour, sans projection. Pour sûr, même s’ils ne te le diront jamais, tu es une forme humaine qui recense leurs peurs les plus vives: la solitude, la marginalisation, l’isolement, l’alcoolisme, la mort prématurée. »