Tressaillir – Maria Pourchet

Jeune maman, je me souviens d’une amie qui venait de se séparer de son mari. Mère d’enfants en bas âge, elle me confiait alors son bonheur de vivre au rythme de la garde alternée ! À elle la liberté une semaine sur deux et le retour à un rythme dépourvu de contraintes familiales ! Je l’écoutais avec effroi : l’idée d’être régulièrement privée de mes enfants qui pourtant, m’épuisaient alors passablement, m’horrifiait. Les quelques parenthèses sans eux que je m’offrais me ravissaient d’autant plus qu’il s’agissait précisément de moments limités dans le temps. Ce sentiment que je percevais comme contre-nature, c’est celui qu’éprouve la narratrice du dernier roman de Maria Pourchet.

Michelle décide de rompre avec son mari après huit ans de vie commune. Non pas pour un autre homme mais parce que sa vie ne lui convient plus, au point que même sa peau se désagrège et lui signifie la nécessité de partir. Mais très rapidement, loin de la soulager, ce départ s’apparente à un arrachement. « Partir c’est pour la galerie. En vérité, on s’arrache. Je me suis arrachée de l’essentiel. De ma fille, de son père, corps irritant mais fraternel, âme distante mais sœur. Et la différence entre partir et s’arracher , c’est que l’un des verbes est une boucherie ». Elle vit dans hôtel miteux dans l’attente de pouvoir trouver un logement, voit sa fille, bien trop peu. Et loin de la libérer comme elle le pensait, cette rupture la plonge dans un abîme sans fin, un manque de sa fille abyssal, une solitude terrible.

Demeure néanmoins en elle une sorte de vibration, un tressaillement, qui va la pousser à agir et se mettre en mouvement. Ariel, psychiatre, va l’y aider pour tenter de se reconstruire et affronter ses peurs originelles qui la conduisent depuis toujours à fuir, telle une biche apeurée. A la faveur d’un atelier d’écriture qu’elle anime, elle retourne alors dans les Vosges, un séjour dans sa région natale près de la forêt et d’une rivière, la Vologne, possibles sources de ses peurs constitutives

« Tressaillir », c’est donc la pulsion de vie d’une femme anéantie à la suite d’une rupture dont elle est à l’origine, et qui va lui donner la force d’affronter ses peurs primales pour mieux se relever. Maria Pourchet cultive avec livre après livre un style éblouissant, une langue bien à elle, un souffle remarquable qui en font l’une de mes plumes préférées parmi les auteurs contemporains.

A propos de l’auteure