
Antoine, un fils aimant – Sandrine Cohen
A travers un fait divers, la romancière interroge le schéma de la reproduction de la violence, les moyens existants de le briser et les limites de la justice pour y parvenir. Grand roman noir : brillant !
Éditeur : Belfond
Nombre de pages : 384
Parution : février 2025
Quelle est l’origine de la violence ? A cette question qui sous-tend tout ce roman et que j’avais postée en story au cours de ma lecture, il m’avait été répondu par une de mes très proches qui ne connaissait pas ce livre : « Le système patriarcal, obligeant une virilité toxique dans laquelle les émotions des hommes sont exprimées par de la violence, commençant et perpétuant des cycles de violence intra familiaux, obligeant les enfants à répéter les schémas dans lesquels ils ont grandi ». Radical mais elle avait tout compris du propos de cet excellent roman noir !
Un coup de feu tiré à bout portant dans la poitrine de son père : Xavier décède immédiatement après que son fils Antoine de 17 ans a appuyé sur la gâchette d’une arme de chasse par accident. Incarcéré, celui-ci n’en démord pas : il ne voulait pas tuer son père. Clélia Rivoire, enquêtrice de personnalité, va pourtant rapidement douter de cette version et guidée par son instinct étonnant, interroger l’ensemble des protagonistes de l’affaire pour faire jaillir la vérité et comprendre les causes de cette mort brutale. Le lecteur progresse aux côtés de cette «Lisbeth Salander» à la mode française, ému avec elle de ses découvertes et de son propre passé visiblement bien sombre.
Après avoir brillamment décortiqué le phénomène d’emprise subie par une famille entière qui s’était retranchée du monde pendant une dizaine d’années dans son formidable doc « Les Reclus » (à voir sur Canal +, affaire des Reclus de Montflanquin), Sandrine Cohen s’attache ici encore à ce même phénomène compris plus largement dans la thématique des violences intrafamiliales mais choisit cette fois-ci la forme du roman noir où je l’ai trouvée tout aussi convaincante. Rien de mieux que ce type d’ouvrage pour embarquer le lecteur dans une histoire prenante tout en l’amenant à s’interroger sur des questions plus profondes, sociétales et politiques.
A travers ce fait divers, la romancière interroge le schéma de la reproduction de la violence, les moyens existants de le briser et les limites de la justice pour y parvenir. Si le trait m’a paru parfois un peu forcé au regard du nombre de thèmes abordés (violence familiale, racisme, homophobie, agressions sexuelles…), les personnages sont si bien saisis, leur psychologie si finement analysée que je me suis laissée gagner par l’émotion à plusieurs reprises. Un propos puissant et parfaitement nuancé ! On imagine bien l’adaptation cinématographique qui pourrait être faite de ce roman, ainsi que la suite, indispensable, tant la fin du livre l’appelle (et la lectrice que je suis aussi !). Clélia Rivoire était aussi l’héroïne du premier livre de Sandrine Cohen, « Rosine, une criminelle ordinaire », Grand prix de littérature policière 2021 et que j’ai hâte désormais de découvrir.

A propos de l’auteur
Récemment, elle a également réalisé la série documentaire Les Reclus, une famille sous emprise (Canal+) et Meurtre à Chartres (France Télévisions).
Quelques pages en extrait du livre