Numéro deux – David Foenkinos

« Ce petit quelque chose en plus », si petit soit-il mais qui, pourtant, fait toute la différence. Le destin tient parfois à peu de choses. Pour Martin Hill, il s’en est fallu d’un cheveu pour que sa vie soit tout autre…

Ouvrir un livre de David Foenkinos, c’est l’assurance d’être surpris : des ouvrages totalement différents les uns des autres, divertissants et profonds. Avec « Numéro deux », promesse à nouveau tenue ! L’auteur retrace ici l’histoire de Martin Hill, jeune londonien qui, un peu par hasard, passa le casting pour le premier film de la saga Harry Potter imaginée par JK Rowling. Etape après étape, il progressa jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que deux : Daniel Radcliff et lui. Chacun connaît la suite : il n’aura échappé à personne que le premier emporta la mise.

Mais quel fut le sort de celui qui finit sur la touche ? C’est à lui que s’intéresse David Foenkinos : comment a-t-il vécu le fait de terminer deuxième de ce casting ? Très mal en réalité, développant une phobie certaine et des névroses vis-à-vis de tout ce qui se rattachait de près ou de loin au célèbre sorcier et à son interprète. Son échec ne ressemblait à aucun autre : où qu’il aille, quoi qu’il fasse, Martin se heurtait sans cesse à Daniel Radcliff, lui renvoyant sans cesse ce à côté de quoi il était passé, d’un cheveu !

David Foenkinos parvient à merveille à décrire de quelle manière ce petit garçon plutôt effacé s’est trouvé brutalement projeté dans le rôle de Harry Potter, pour en être tout aussi violemment écarté : juste le temps d’entrevoir le cours qu’aurait pu prendre sa vie.

« C’est ainsi qu’une vie humaine bascule du mauvais côté. C’est toujours un rien qui fait la différence, comme si le simple positionnement d’une virgule pouvait changer la signification d’un roman du huit cents pages ».

Si l’histoire de Martin Hill a été totalement imaginée par l’auteur à partir d’une interview – bien réelle quant à elle – de la directrice de casting du premier Harry Potter, elle lui permet, pour notre plus grand plaisir, de nous replonger dans la genèse de cette saga littéraire hors du commun : du train Manchester/Londres, dans lequel JK Rowling, jeune femme de 25 ans, battue, mère célibataire… fut frappée par l’inspiration, à la publication du premier tome, jusqu’à son adaptation au cinéma… Pour elle, le destin a incontestablement basculé du bon côté !

Au-delà de cette histoire tout à fait originale, David Foenkinos interroge plus largement la position de deuxième, chacun d’entre nous l’expérimentant nécessairement un jour ou l’autre. Certains sont numéros deux à vie, comme dans une fratrie et autant s’en accommoder. Dans un superbe « horoscope des fratries » issu de son dernier spectacle, l’artiste Ben Mazué s’adresse à tous les numéros 2 et les encourage : « Perdre ne vous arrête pas et heureusement car c’est de votre essence d’être dernier ».

Le plus souvent, cette position de deuxième est temporaire mais s’analyse alors d’avantage comme un échec. L’auteur s’interroge tout au long du roman sur la manière de le surmonter : comment alors accéder au bonheur ? Churchill a pu dire que « le succès c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme ». Aussi difficile que cela puisse paraître, surtout lorsque l’on est confronté au succès de celui arrivé numéro 1 en permanence, il s’agit d’une question de survie.

« On ne rate pas sa vie, on la recommence ».

Lorsque la réalité est douloureuse, il appartient à chacun de trouver le moyen lui permettant d’être heureux : écriture, alcool, amour… Se reconstruire, trouver les moyens de survivre, c’est à quoi se confronte le héros de « Numéro 2 » et finalement, ce qui traverse toute l’œuvre de David Foenkinos. Coup de ❤️

À propos de l’auteur

David Foenkinos, né en 1974, est un romancier, dramaturge, scénariste et réalisateur français. À 16 ans, il est victime d’une maladie cardiaque rarissime et passe plusieurs mois à l’hôpital. Il étudie les lettres à la Sorbonne. Son premier roman « Inversion de l’idiotie : de l’influence de deux Polonais« , refusé par tous les éditeurs contactés, est finalement publié par Gallimard en 2002. Suivent notamment « La Délicatesse« , en 2009 qui constitue le véritable tournant de sa carrière, puis « Charlotte » en 2014, dans lequel il rend un hommage personnel à l’artiste Charlotte Salomon, assassinée en 1943 à Auschwitz et qui obtient le prix Renaudot et le prix Goncourt des lycéens.