L’homme que je ne devais pas aimer – Agathe Ruga

Portrait d’une femme libre qui renonce au confort d’une vie convenue pour vivre sa passion pleinement. Brillant et addictif !

 

Éditeur : Flammarion

Nombre de pages : 220

Parution : avril 2022

Prix : 19 €

J’aurais pu être tentée d’écrire que le roman était réussi, un peu conditionnée par notre relation, simplement parce qu’avant de lire ses romans, je l’ai suivie assidûment comme blogueuse littéraire, admirée comme leader de team, appréciée comme amie… J’aurais pu aussi renoncer à ajouter quelques mots supplémentaires à la vague de billets enthousiastes que suscite son livre. J’aurais pu. Mais comment résister ? Absolument TOUT m’a plu dans « L’homme que je ne devais pas aimer » d’Agathe Ruga, à commencer par son héroïne.

Ariane a tout pour être heureuse : une vie paisible, trois petites filles dont une vient de naître, un mari aimant, une activité littéraire qui la comble. Courtisée, belle comme un cœur et inspirante, tout lui réussit. Et pourtant, il suffit d’un regard pour que sa vie bascule inexorablement. Une étincelle et tout s’embrase.

Dès lors, elle ne poursuit plus qu’un seul objectif : séduire le ténébreux Sandro, « le mauvais garçon » comme il se définit lui-même, propriétaire de bar et de dix ans son cadet. Une obsession qui la conduit, telle une ado, à espérer le moindre message qui ne vient pas, changer de tenue tous les jours pour qu’il ne la voit surtout pas deux fois dans la même, guetter le signe, aussi insignifiant soit-il, qui la confortera, se morfondre dans l’attente tout à la fois délicieuse et insupportable d’une première étreinte… Au point de délaisser sa famille. Si elle fait longtemps bonne figure et donne le change, son esprit est ailleurs, très loin, dévoré par une passion sans limite.

Peut-on réellement succomber à un seul regard ? Existe-t-il des prédispositions pour tomber fou amoureux d’une personne alors que l’on est heureux ? Il semblerait que les choses ne puissent arriver que si l’on est prêt à les vivre. Et loin de dresser le portrait d’une femme légère et totalement irrationnelle, Agathe parvient à remonter à la source pour mieux comprendre son héroïne et analyser son comportement : si Ariane affirme être tombée amoureuse comme on tombe malade, il n’en est absolument rien en réalité. D’abord parce que derrière l’image de la famille recomposée parfaite, les fondements n’étaient pas si solides, bien au contraire. Victime d’être « dédésirée », Ariane s’étiolait dans son rôle de mère, de femme, au point de ne plus être en mesure de le supporter.

Et au-delà de son propre couple, ce sont les relations aux autres hommes de sa vie qui l’ont conduite à cette obsession. Comment expliquer qu’une fois qu’elle les a rendus pères, Ariane ne soit plus amoureuse des hommes qui l’accompagnent ? Elle égraine alors au fil des pages, par bribes, ses souvenirs d’abord avec son père mais aussi avec les amoureux de sa mère qui, alors qu’elle était enceinte d’elle, avait déjà un amant. « C’est le schéma que j’ai appris, celui avec lequel je suis le plus à l’aise : une mère, sa fille, un beau-père ». De là à penser qu’il existe en la matière un certain déterminisme… Dans un style percutant, l’auteur alterne entre les réminiscences d’un passé auprès de parents séparés, de couples reformés, et la période présente, usant du « tu » pour s’adresser directement à l’objet de ses tourments.

Ce faisant, Agathe aborde avec une très grande finesse les thèmes de la liberté, de la féminité et de la maternité. Son héroïne, désirant subitement et entièrement un autre homme que son mari, est-elle une femme libre ? Choisir la passion en lieu et place de la raison fait-elle d’une femme un être davantage libre que celle qui s’épanouit dans une relation douillette et stable ? Rien n’est moins sûr. Évidemment, en apparence, celle qui décide de s’arranger avec cette fameuse charge mentale en s’aventurant sur les chemins de l’adultère semble être infiniment plus libre. Mais l’est-elle réellement alors que la passion la tient corps et âme, au point de l’obséder jour et nuit ? Ariane avait-elle réellement le choix ? Que signifie être une femme libre aujourd’hui ? Probablement ne renoncer à rien, assumer qui l’on est, ce que l’on souhaite, d’où l’on vient et ce que l’on veut transmettre.

« L’amour a toujours un prix, et qu’est-ce qu’on s’en fout, bon Dieu, puisque c’est la seule chose qui compte dans l’existence ? ».

Et si « L’homme que je ne devais pas aimer », roman inspiré, était le résultat non d’une réelle obsession amoureuse mais d’un besoin irrépressible d’écrire, enjoignant son auteur à renoncer à une vie lisse pour nourrir sa plume… ?

Avec ce deuxième roman, Agathe Ruga dresse avec brio le portrait d’une femme en proie aux affres classiques de l’amour, dans un style moderne, extrêmement touchant. Un livre audacieux, une mise à nu probable d’une sincérité désarmante. Et une lecture dangereuse pour celles et ceux tentés de succomber à la passion … ou pas ! Réjouissant ! Bravo Agathe !

Festival du LÀC – Octobre 2021 © Karine Bauzin

À propos de l’auteur

Agathe Ruga est chroniqueuse d’un blog littéraire très suivi. Elle a fondé le Grand Prix des blogueurs. Après Sous le soleil de mes cheveux blonds (Stock, 2019), L’homme que je ne devais pas aimer (Flammarion, 2022) est son deuxième roman.

Le site d’ Agathe : Agathe the book 

Quelques pages en extrait du livre….

©️ Karine Bauzin

Share This