Le Monde qui reste – Pierre Vergely

Lorsqu’une existence se trouve réduite à l’impensable avec pour seul horizon les quatre murs d’une cellule des plus sordides, quel monde reste-t-il ? Comment tenir debout quand la vie n’est plus qu’enfer ? Charles Vergely y est parvenu. Son fils, Pierre, réalise la prouesse de nous emmener avec lui dans un voyage bouleversant.

 

 

Éditeur : Editions Heloïse d’Ormesson

Nombre de pages : 226

Parution : août 2021

Prix : 18 €

Version ebook disponible

« Pas un instant je ne regrette les raisons pour lesquelles on m’a jeté ici ».

Juillet 1940. Charles Vergely, dit Finch, tout juste âgé de 17 ans, refuse de voir l’Allemagne l’emporter et s’engage alors dans la Résistance. Mais très vite, son groupe d’action est dénoncé et il est arrêté en mars 1941. Emprisonné, torturé, condamné à mort pour faits « d’espionnage, aide à l’ennemi, transmission de plans, élaboration d’emplacement de troupes, recherches dans les camps d’aviation allemands, parachutages, opinions gaullistes », déporté … il résiste, toujours, trouvant en lui les ressources qui lui permettent finalement de survivre et être libéré en 1945.

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Son histoire, il en a simplement livré quelques bribes censurées dans des correspondances échangées avec ses parents, ainsi qu’à son épouse. Rien d’autre. L’évocation de cette période était trop difficile. Son fils Pierre, qui avait 11 ans à la mort de son père, prend la plume 35 ans plus tard pour raconter ces quatre années de cheminement intérieur. Et de manière magistrale !

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Incarnant avec brio son père durant sa longue période de détention en isolement quasi-total et adoptant la structure d’un journal, l’auteur évoque ici très subtilement ce qui a permis à Charles de rester debout malgré l’enfer vécu au sein des geôles. Un livre pour faire œuvre de mémoire bien sûr mais surtout un hymne d’amour absolu d’un fils pour un père qui tenait la vie comme valeur suprême à respecter.

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On est d’abord touché, à la lecture de ce livre, par la droiture de cet homme, son engagement total si jeune, une conscience et une maturités sidérantes. Même à l’issue de tortures répétées et autres atrocités, jamais il ne dévie. Refuser l’oppression ne s’est pas posé en termes de choix ni de volonté d’héroïsme, c’était l’unique posture possible à ses yeux : « l’heure était à l’engagement, quel qu’en fût le prix (…). Hitler gagnait la partie, l’intolérable s’annonçait, et moi, je ne voulais pas de cette société inhumaine ».

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Dès lors, c’est en lui seul que Charles a dû puiser les ressources nécessaires pour tenir bon et demeurer un homme libre. Fixer son attention sur les détails environnant, entretenir l’imaginaire en prenant garde de ne pas sombrer dans la mélancolie, parvenir à rire de petites choses, saisir le beau tel un vol d’oies sauvages en V quand il s’offre à lui, et accepter qu’une part de lui ne sera plus… autant de voyages immobiles qui lui permettent de résister et d’endurer les coups, la faim, la puanteur, la maladie et la vermine.

Charles Vergely – 1939 – archive familiale de Pierre Vergely

Loin d’être un énième livre d’histoire sur la résistance ou la seconde guerre mondiale, « Le Monde qui reste » recèle un formidable message d’espoir puisqu’au-delà de l’anéantissement presque total, la vie finit par prendre le dessus. Même si quelques scènes sont crues et explicites sur le calvaire enduré, l’auteur suggère davantage qu’il ne décrit, ne conférant que davantage de force à son propos. Il interroge finement les deux notions de loi et de liberté en les confrontant : « la loi est une balance des libertés des uns et des autres… un contrat social (…) Jamais, dans ce projet, la dimension intérieure de l’homme n’est prise en considération ». Et d’en conclure qu’entre un gardien de prison faisant son devoir de soldat, et un prisonnier obéissant à ses obligations d’homme, le plus libre des deux est sans aucun doute le second.

 

© Philippe Matsas_Leextra

À propos de l’auteur

 

Né à Paris en 1974, Pierre Vergely est le fils du résistant Charles Vergely, mort alors qu’il avait tout juste onze ans. Chef monteur pour l’audiovisuel depuis 25 ans, il est passionné de philosophie, théologie, littérature et musique. Il vit à Berlin depuis 2019, à quelques pâtés de maisons de l’ancienne prison de Moabit, dans laquelle d’Estienne d’Orves a été incarcéré lors de son jugement.

Pour aller plus loin, lire l’entretien accordé par Pierre Vergely à Dan Burcea sur son blog Lettres capitales.

Quelques pages en extrait du livre….

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