La nuit du premier jour – Theresa Révay

Une femme éprise de liberté peut-elle, par amour pour un homme, abandonner son enfant ? Assurément non répondraient nombre de mères… Pourtant, c’est l’impossible choix que fit Blanche, jeune femme originaire de Beyrouth et mariée malgré elle par son père à un marchand de soies Lyonnais. « La nuit du premier jour » est son histoire et, aussi surprenant que cela puisse paraître, on parvient à la comprendre, grâce au talent de Theresa Revay dont je découvre la plume avec ce roman historique palpitant.

????

Déracinée, en rupture avec la haute société bourgeoise au sein de laquelle elle ne parvient pas à s’intégrer, elle se réconforte tant bien que mal auprès de ses deux jeunes enfants, Aurélien et Oriane. C’est alors qu’elle croise la route de Salim, marchand de soie lui aussi mais à Damas, de passage dans la capitale des Gaules. Le coup de foudre est immédiat ! Quelques temps plus tard, de retour dans son pays natal pour se recueillir sur la tombe de sa mère, Blanche prend la décision de ne pas retourner en France :

« Destin cruel qui lui infligeait un choix impossible. Elle pleura d’avoir eu la faiblesse de décider de survivre, sachant qu’un retour en France aurait été un long suicide, que le ressentiment et l’aigreur auraient fini par la détruire. »

Elle obtient le divorce à une condition : renoncer à revoir ses enfants qui comprendront à demi-mots que leur mère est morte. Grâce à Armand, canut à Lyon et avec lequel Blanche avait noué des liens d’amitié profonds, elle va parvenir à obtenir régulièrement des nouvelles de ses enfants, eux pour qui elle est morte, devenue L’Absente dont on ne doit pas prononcer le nom afin de ne pas causer de peine à leur père. Un fil de soie ténu mais bien réel qui demeurera un lien entre eux tous.

????

À travers les destins de ces différents personnages, Theresa Révay nous entraîne des rives de l’Empire Ottoman en train d’imploser face à la volonté d’indépendance de ses différentes Provinces à celle de l’Europe, où la première guerre mondiale éclate, et tisse aux fils de soie entre eux tous un magnifique ouvrage aux saveurs et senteurs épicées de l’Orient !

Un roman extrêmement bien documenté pour voyager, découvrir ce que fut l’Empire Ottoman, le monde des tisserands et surtout se laisser emporter par des destins peu ordinaires où des femmes à l’esprit libre vous marqueront à jamais. Coup de ❤️  pour ce livre au souffle romanesque puissant, sélectionné pour le Prix du LAC 2021 qui n’est pas sans évoquer le livre d’Adrien Borne « Mémoire de soie » (Lattes) lui aussi en lice cette année, et le Lauréat de l’année passée : « La femme révélée » de Gaëlle Nohant (Grasset).

À propos de l’auteur

Traductrice et romancière, Theresa Révay a une prédilection pour l’Histoire, et tout particulièrement pour les déchirements de familles européennes confrontées aux épreuves d’un XXe siècle tumultueux. Qu’elle évoque le destin des Russes blancs dans La louve blanche et Tous les rêves du monde, ou la fin de l’Empire ottoman dans L’Autre rive du Bosphore (Prix Historia 2014), sa documentation rigoureuse et son souffle romanesque lui permettent de s’imposer comme l’une des romancières majeures de grandes fresques historiques, et d’être publiée dans de nombreux pays.