La loi du moins fort – David Ducreux Sincey

Peut-on grandir privé de l’amour d’une mère maltraitante ? Sans doute, mais mal. Le narrateur de l’histoire en a malheureusement fait l’expérience. On le découvre comme l’homme de main d’un politique, Romain Poisson, qu’il a connu lorsqu’ils étaient tous deux enfants et passaient leurs étés dans des maisons voisines. Marqués par une certaine morbidité, ils ont fait leurs armes avec de petits insectes, avant de passer à des victimes « plus sérieuses », complices dans leurs crimes.

David Ducreux Sincey s’intéresse ici surtout à l’enfance du narrateur et à la genèse de ce du maléfique. Il signe un roman d’apprentissage d’un genre particulier : pour parvenir à s’émanciper et sortir de l’emprise toxique de sa mère, celui-ci se soumet en effet à son mentor dans une relation empreinte elle aussi de domination. Néanmoins, le narrateur agit en toute conscience, pour survivre, et fait preuve d’un cynisme et d’un humour remarquables qui, associés à la très jolie plume de l’auteur, permettent au lecteur de ne jamais lâcher le livre une fois commencé en dépit de certaines scènes terribles. La violence dont fait preuve la « Folcoche » de ce roman (souvenirs émus de « Vipère au poing » d’Hervé Bazin) est en effet si atroce qu’on peine à imaginer qu’une mère puisse être à ce point monstrueuse. L’écriture élégante de l’auteur, largement évocatrice, associée à la distance que prend le narrateur, rendent le récit original et bluffant.

Un roman centré aussi sur la quête de liberté du narrateur qui, grâce à sa manière de tenir à distance tout le mal qui lui est fait et à supporter l’incapacité de tous les adultes croisés à le protéger, sera finalement parvenu à se forger sa propre loi, celle du moins fort (quel beau titre de roman !) mais, contre toute attente, pas la moins efficace pour autant.