La dernière allumette – Marie Vareille

Joli moment que celui d’être surpris par un livre ! J’avançais tranquillement dans ma lecture, toujours un peu plus émue au fil des pages tournées, quand j’ai dû brusquement m’interrompre, repartir en arrière, relire le passage en question et me dire, « Chapeau, elle m’a eue ! », je n’avais rien vu venir ! Quel twist, un peu à la manière de « Usual suspects » ou… Mais, cette autre référence, je la tairais ici au risque de trop en dire… Et encore, s’il n’y avait eu qu’un twist ! Ce premier est suivi d’un autre, que j’ai cette fois-ci légèrement anticipé mais vraiment sur le fil !

Marie Vareille aborde dans son nouveau roman la thématique des violences intrafamiliales avec beaucoup de finesse, de sensibilité et d’originalité, vue essentiellement par le prisme d’une enfant ainsi que par celui d’une femme pourtant avertie. Abigaëlle demeure aujourd’hui recluse dans un couvent depuis 27 ans, murée dans le silence. Pourquoi est-elle venue se retrancher ici ? Elle peine à s’en souvenir et bute sur l’événement qui a tout fait basculer. Son frère ainé, Gabriel, lui rend visite deux fois par mois. Alors qu’il évoque auprès d’elle sa rencontre avec Zoé et effrayée par les lourds secrets que cache son frère, elle tente de recouvrer sa mémoire et revient sur son histoire, entrecoupée d’extraits des carnets qu’elle noircissait enfant et que le lecteur découvre.

Abi, petite fille surdouée, a grandi auprès d’un père épouvantable qui martyrisait sa mère. Du haut de ses quelques années, prise dans un conflit de loyauté envers ses deux parents, elle survit, préservée autant que possible par son frère, en dépit de quelques « torgnoles » et de séjours dans un placard caché sous un escalier.

Marie Vareille réalise une jolie performance en transcrivant les pensées alors agitées de l’enfant au « cui » élevé, qui adopte les expressions outrancières de son père sans en percevoir réellement la portée et la violence. Ainsi, sa mère, c’est la « fée Néante ». Ella a cessé de travailler comme aide-soignante à la naissance de fille : « Papa pouvait pas prendre le risque qu’elle en profite pour faire sa pute avec les médecins de garde. (…) Maman a beaucoup de chance parce qu’elle a plus besoin de travailler. Elle se repose tout le temps et s’occupe de nous et de la maison ». Tout est dit…

Que deviennent les enfants ayant grandi dans des foyers violents ? Marie Vareille donne une clé de compréhension avec ce nouveau roman, tout à la fois émouvant, drôle et haletant ! Il sera sans aucun doute lu par des personnes concernées et qui sait, permettra peut-être des prises de conscience de lecteurs et lectrices qui y verront se matérialiser un drame de la vie ordinaire. Aux côtés de livres de témoignages tout autant nécessaires tel « 125 et des milliers », celui-ci apporte un regard intéressant et sa pierre à un édifice de lutte indispensable. Un roman habile, très bien construit, aux personnages attachants qu’on n’oubliera pas de sitôt.