
Intérieur nuit – Nicolas Demorand
Le journaliste à la tête de la matinale la plus écoutée de France dévoile sa bipolarité. Un témoignage sensible et percutant.
Éditeur : Les Arènes
Nombre de pages : 112
Parution : mars 2025
Que vous soyez addict d’Inter ou auditeur occasionnel, sa voix chaleureuse et posée ne vous aura pas échappé. À la tête de la Matinale la plus écoutée de France depuis de nombreuses années aux côtés de Léa Salamé, Nicolas Demorand signe, avec « Intérieur nuit », un livre sincère et percutant.
Il en faut du courage pour mettre des mots sur cette honte qui l’a longtemps accablé, cette maladie qui l’affecte depuis de nombreuses années. Le journaliste a choisi la forme littéraire pour libérer sa parole et révéler sa pathologie. Certains s’offusquent que l’on puisse lui reconnaître d’avoir mis la santé mentale sur le devant de la scène, soulignant qu’il n’est pas le premier et que d’autres s’y emploient aussi. Injuste reproche tant il y a à faire en la matière !
« La cruauté des maladies mentales, c’est qu’elles sont pour la plupart invisibles » écrit-il. Et elles effraient. Non seulement celui qui la subit mais également son entourage. Comment en effet réagir face à un proche qui devient brutalement irrationnel et inaccessible ? Comment surmonter le fait de ne plus se reconnaître ? La plupart d’entre nous sommes totalement démunis face à la survenance d’une telle affliction. Pire parfois de la part de ceux qui n’y ont jamais été confrontés : une sorte de mépris.
Si la description précise et si juste de sa maladie force l’admiration au fil des pages, on est surtout frappés, en découvrant le parcours de Nicolas Demorand, de constater son errance médicale durant dix longues années. Diagnostiqué dépressif, il a été traité sans succès ni amélioration pendant tout ce laps de temps à coups de « mojitos de la déprime », « le cocktail classique anti-dépresseur/anxiolytiques », avant qu’un psychiatre pose enfin le bon diagnostic et lui prescrive du lithium associé à une thérapie comportementale et cognitive (TCC). Lui dont le métier est précisément de questionner n’a pourtant à aucun moment remis en cause les traitements prescrits. « Mon problème est d’être un patient modèle » souligne-t-il. Il a alors alterné les phases de profondes dépression avec celles, moins bien moins nombreuses, maniaques ou hypomaniaques, caractérisant la bipolarité. Avec une particularité le concernant : l’apprentissage du « silence, la dissimulation et le mensonge » compte tenu de son exposition médiatique et la peur de tout perdre.
Si la lecture peut s’avérer thérapeutique pour certains lecteurs, consommée à haute dose, ciblée, l’écriture elle aussi peut servir d’exutoire. « Intérieur nuit » aura sans aucun doute été utile à Nicolas Demorand mais également à nombre de ses lecteurs pour mieux appréhender cette maladie, la cartographier, la démystifier ainsi que les hôpitaux psychiatriques et, surtout, réaliser que même affecté de ces maux, il est possible de vivre avec. Peut-on croire un journaliste malade mental » interroge-t-il ? A l’évidence oui.
Aujourd’hui, 1 à 2,5 % de la population souffre de troubles bipolaires en France, soit entre 500 000 et 1,6 million de personnes, selon les travaux de la Haute Autorité de santé.

©️Jérôme Bonnet
A propos de l’auteur
Nicolas Demorand, né en 1971, est journaliste. Après avoir travaillé à la télévision et dans la presse écrite, il co-anime la matinale de France Inter depuis 2017 avec Léa Salamé. Il a obtenu le Prix Philippe-Caloni (meilleur intervieweur politique) en novembre 2009.