Impardonnable – Mathieu Menegaux

 

 

Encore une fois et avec brio, Mathieu Ménégaux s’attache à montrer à quel point la justice traditionnelle échoue à se saisir de certaines situations.

 

Éditeur : ‎ Grasset

Nombre de pages : 234

Parution : janvier 2025

Un vélo/scooter est percuté par un véhicule. Son conducteur meurt sur le coup. Et l’automobiliste, paniqué, s’enfuit. L’espace de quelques secondes et rien ne sera plus comme avant. Des vies volent instantanément en éclat. C’est le point de départ d’ « Impardonnable » où encore une fois et avec brio, Mathieu Ménégaux s’attache à montrer à quel point la justice traditionnelle échoue à se saisir de certaines situations.

Anna perd sa fille de 16 ans, décédée dans de telles circonstances. Une mort contre nature au point qu’aucun mot dans la langue française ne permet de désigner un parent « orphelin » de son enfant. Anéantie, Anna oscille entre abattement et colère ; elle ne tient dès lors qu’animée par un fort désir de vengeance : le coupable doit être confondu et condamné lourdement pour le crime commis.

Paul, homme d’affaires, a quant à lui causé un accident mortel similaire. Arrêté, quitté par sa femme, privé de ses enfants, il est incarcéré dans l’attente d’un procès qui tarde. Pétri de culpabilité, lui aussi est anéanti, ne comptant que sur des cahiers qu’il noircit pour apaiser sa peine et chercher un moyen de réparer toute la souffrance dont il est à l’origine.

L’auteur alterne les chapitres consacrés à l’un et à l’autre et interroge ainsi le rôle de la justice dans une telle situation. Qu’en est-il lorsque meurt un enfant dans de telles circonstances ? Permet-elle la vengeance ? Peut-elle atténuer le chagrin ressenti ? Ou constitue-t-elle la simple étape d’un deuil ? Quant à Paul, si la sanction paraît nécessaire, celle de la prison est-elle bien la plus adaptée ? L’enceinte d’un tribunal autorise-t-elle chacune des parties à s’exprimer ? Est-elle le lieu du pardon ? Mathieu Ménégaux démontre très concrètement les limites du système judiciaire et explore une autre voie, celle de la justice restaurative qui offre une alternative, l’opportunité d’un dialogue entre victimes et auteurs de faits incriminés. De là à pardonner l’impardonnable, le chemin n’est pas simple…

Encore une fois, j’ai été sensible à la manière dont Mathieu Menegaux permet au lecteur de saisir l’absurdité de certaines situations judiciaires, faisant entrer le lecteur en empathie avec ses personnages sans prendre partie et imposer un point de vue. Son récit est tout à la fois convaincant, réaliste et tendu vers une scène finale poignante.

J’ai également été très intéressée par l’observation des traitements littéraires différents qu’ont réservé deux auteurs de cette rentrée à des faits pourtant identiques. En effet, Mathieu Menegaux avec «Impardonnable » et Sarah Jollien-Fardel dans « La longe » évoquent tous deux la douleur incommensurable liée à la perte de son enfant décédé après que son vélo ait été heurté par une voiture. Néanmoins, l’un et l’autre nous entraînent sur des chemins divergents. 

« Au bout du chagrin, il y a toujours un désir à combler ou une faim à satisfaire », souligne l’auteur, citant Eluard. La vie continue, quoi qu’il arrive.

Si je sujet de la justice restaurative / restauratrice vous intéresse, à voir le très beau film de Jeanne Herry, « Je verrai toujours vos visages». Et toujours les précédents romans de Mathieu Menegaux qui excelle dans la mise en scène de limites rencontrées par le système judiciaire français.

A propos de l’auteur

Mathieu Menegaux est né en 1967. Il est l’auteur Je me suis tue (Grasset, 2015, Points 2017), primé aux Journées du Livre de Sablet, de Un fils parfait (Grasset, 2017, Points 2018), prix Claude Chabrol du roman noir, porté à l’écran en 2019, de Est-ce ainsi que les hommes jugent ? (Grasset, 2018, Points, 2019), prix Yourcenar, adapté lui aussi pour la télévision (Jugé sans justice – France 2), et dernièrement de Femmes en colère (Grasset, 2021) déjà adapté au théâtre et en cours d’adaptation pour le cinéma.

Quelques pages en extrait du livre

Share This