Faut-il tuer les petits garçons qui ont les mains sur les hanches ? – San-Antonio

 

 

Un écrivain suisse à succès, un roman où il est question de l’enfance d’un petit garçon au bras atrophié, une enfant kidnappée et la réalité fait alors irruption dans la fiction ! Un roman tout en finesse, magistral !

 

 

Éditeur : Fleuve Noir

Nombre de pages : 324

Parution : Novembre 1984

Versions poche et ebook disponibles

Troublée et émue. Tel est mon état en tournant la dernière page de ce roman de San Antonio/Frédéric Dard, le premier, je dois le reconnaître, que je lis de cet illustre auteur.

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Je me figurais que ses livres n’étaient pas faits pour moi. J’imaginais des polars, un peu graveleux, au langage fleuri, que les hommes affectionneraient davantage que les femmes… des livres parfois poussiéreux présents dans la plupart des bibliothèques ! Je pressentais depuis quelques temps qu’il n’en était sans doute absolument rien et aujourd’hui, je savoure sincèrement ma chance d’avoir encore toute sa riche bibliographie à découvrir !

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Ce roman a pour héros un écrivain célèbre, vivant à Gstaad en Suisse. Charles De Jallieu (Charles étant le deuxième prénom de l’auteur et Jallieu l’endroit où il naquit…) y coule des jours paisibles avec sa femme, au doux nom de Mélancolia. La fille de celle-ci, Dora, 12 ans, est en pension, une situation qui convient parfaitement à l’écrivain que l’enfant encombre et qu’il tolère malgré lui. On le découvre assez désabusé, alors qu’il débute l’écriture d’un nouveau livre, résigné, et contrarié par l’alcoolisme de sa femme. Jusqu’au jour où un malfrat, acteur sur le retour appâté par le gain, complote pour enlever l’enfant et rançonner l’écrivain. Frédéric Dard en était à ce moment précis de l’écriture de son roman quand la réalité s’est totalement immiscée dans la fiction ! Sa propre fille, Joséphine, elle aussi âgée de 12 ans, fut kidnappée une nuit alors que ses parents dormaient dans la chambre à côté de la sienne, à Vandoeuvres tout près de Genève !

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Si la petite parvint finalement et heureusement à retrouver sa liberté et ses parents quelques jours plus tard, Frédéric Dard fut bloqué dans la rédaction de son roman, comme il l’explique admirablement au début de celui-ci. Alors qu’il empruntait un chemin d’écriture un peu différent de sa « production courante » de manière à « libérer une partie de ses fantasmes, de ses tourments secrets, de ses chagrins… il lui arrive ce qu’il est en train d’écrire ! ». Il mettra un an avant de se remettre à l’ouvrage. Il signe ici, sous son pseudo San-Antonio, un livre formidable, d’une écriture éblouissante, qui interroge, au final malgré lui, les rapports entre fiction et réalité. Il adopte ici une structure où l’écrivain se met en scène tout en ponctuant son récit des passages qu’il écrit en tant qu’écrivain et où il raconte l’histoire d’un « petit garçon ». Serait-ce celui qui apparaît en couverture de l’ouvrage, Frédéric Dard lui-même, alors âgé de quatre ans, avec sa mère… ? Rien n’est moins sûr. Une mise en abîme incroyable à laquelle j’ai été très sensible !

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Mais là est loin d’être le seul intérêt de ce roman. J’y ai beaucoup apprécié également la manière dont l’auteur évoque le métier d’écrivain, ses tourments, ses ficelles…

 

« Comme tous ceux qui sont en mal de se raconter, il déteste n’être pas compris ». « Si un écrivain n’est pas démesuré, c’est qu’il n’a rien à dire : la plupart de mes archiconfrères écrivent comme leurs épouses servent le thé. Ils “servent” des bouquins, alors qu’un livre est un projectile destiné à être flanqué à la gueule des gens »
Celui-ci fait mouche, indiscutablement !

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Nous célébrons cette-année le centenaire de Frédéric Dard, né le 29 juin 1921. Eric Bouhier, auteur du « Dictionnaire amoureux de San-Antonio » (Plon), sera présent au Festival du LÀC les 2 et 3 octobre prochains et participera à une table ronde avec Joséphine Dard.

 

À propos de l’auteur

Frédéric Dard, né le  est un écrivain français principalement connu (dans une production extrêmement abondante) pour les aventures du commissaire San-Antonio, souvent aidé de son adjoint Bérurier, dont il a écrit 175 aventures depuis 1949.

Parallèlement aux San-Antonio (l’un des plus gros succès de l’édition française d’après-guerre), Frédéric Dard a produit sous son nom ou sous de nombreux pseudonymes des romans noirs, des ouvrages de suspense psychologique, des « grands romans », des nouvelles, ainsi qu’une multitude d’articles. Débordant d’activité, il fut également auteur dramatique, scénariste et dialoguiste de films.

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