Cette nuit qui m’a donné le jour – Frédéric Perrot

« Il n’y a pas de meilleur rempart au malheur que le bonheur en personne ».

Telle est la devise, le mantra que Marlène et Henri ont fait leur. Un couple solide depuis des décennies, une osmose parfaite au point d’avoir échangé leurs parfums « pour toujours porter l’odeur de l’autre ». Un bonheur affiché reposant sur une complicité et une tendresse partagées, parfois difficiles à assumer par leur fils Etienne, 30 ans, dans sa propre construction amoureuse. Mais, lorsqu’Henri décède des suites de la maladie de Charcot, laissant à Etienne une longue missive, se révèle alors une part d’ombre insoupçonnée, à moins qu’il ne s’agisse de lumière. La frontière est ténue. Ce livre au si joli titre, deuxième de Frédéric Perrot, est un roman d’amour comme je n’en avais pas lu depuis longtemps et qui n’a pas été sans me rappeler celui de Sophie de Baere, « Les ailes collées » (Lattès), lauréat du Prix du LÀC 2022.

L’auteur s’attache à raconter la relation passionnée vécue par un homme marié, pour autant toujours profondément attaché à sa femme et son fils. Sujet plutôt classique mais abordé d’une manière qui ne l’est absolument pas. D’abord pour la personne qui a ravi le cœur d’Henri – Jean –  un artiste à l’image de JR, un poète,  fantasque, et totalement irrésistible :

« Mon corps tout entier s’électrise, à la fois catastrophé de ce rapprochement et profondément bouleversé. Je suis nerveux, fébrile… ».

Aussi pour l’écriture de l’auteur qui nous tient de bout en bout en alternant les passages où Etienne découvre l’histoire de son père, avec ceux où se révèlent ses émotions en réaction à ses découvertes. Frédéric Perrot saisit parfaitement le déchirement vécu par Henri tout au long de sa vie, cette chimie irrationnelle, inexplicable et incontournable. Une passion proche de l’addiction à laquelle il est impossible d’échapper et qui, paradoxalement, a sans doute permis à Henri et Marlène de vivre aussi bien ensemble si longtemps.

À près de 40 ans d’intervalle, ce sont deux nuits qui donnent le jour à un homme puis à son fils, des instants de vérité bouleversants qu’on n’est pas près d’oublier. Et si le secret de la longévité d’un couple tenait aussi dans ses pas de côté ? Coup de cœur pour ce roman.

À propos de l’auteur

Frédéric Perrot est scénariste et réalisateur au sein d’un duo qui sévit sous le nom de Najar & Perrot. Après Pour une heure oubliée, publié en 2021, Cette nuit qui m’a donné le jour est son deuxième roman. Il est aussi le directeur artistique du carnet de bord accompagnant l’album Ephémère de Grand Corps Malade, Ben Mazué et Gaël Faye. Il en parle dans un entretien, juste ici.