Le Cratère – Arièle Butaux

 

 

Un roman intense en souvenir d’un frère différent décédé à l’âge de 15 ans et qui ne laissera aucun lecteur indemne !

 

Éditeur : Sabine Wespieser Editeur

Nombre de pages : 128

Parution : Mars 2024

Certains êtres traversent nos existences de manière fugitive, y imprimant leur trace durablement. D’eux, reste un chagrin, un souvenir fugace, au mieux doux-amer. Et, lorsque nous disparaîtrons, nous emporterons avec nous ces personnes dont la vie fut si brève. D’elles, il ne restera alors absolument rien. Parfois pas même une photo. Néant vertigineux contre lequel résister s’avère vain. Sauf à écrire, poser des mots pour leur offrir une existence éternelle et indélébile, et se consoler. C’est ce que parvient merveilleusement à faire Arièle Butaux avec ce roman sensible.

 

« Il n’y aura jamais de mot pour dire le mal de frère ». Curiosité de la langue française que cette absence de substantif pour désigner celui qui a perdu un frère ou une sœur. Nécessité sans doute, de même qu’il n’existe pas de terme dans notre langue pour qualifier un parent dont l’enfant décède. Innommables parce qu’insupportables ? Face à cette lacune, Arièle Butaux rend avec son roman « Le cratère » un hommage profondément émouvant à ce frère ainé qu’elle a perdu adolescente, ouvrage intime et Prix de la Closerie des Lilas 2024.

« Lucas ne parle pas » répète en boucle l’auteur. Il est un enfant différent, de ceux privés dès la naissance de toute autonomie. A Aurore et Valentin ses frère et sœur nés après lui, ses parents ont promis qu’il guérirait de son handicap à 15 ans. En attendant, Lucas vit avec ses grands-parents maternels depuis qu’il a 5 ans et sa famille lui rend visite chaque week-end. On imagine aisément le soutien indispensable auquel cette organisation répond. Pourtant, tous en souffrent, en particulier Paul, le père. Lorsqu’il retrouve Lucas, « plus rien n’existe hors cet amour qui le dévaste (…) Ses beaux-parents lui volent son fils, autant qu’ils le sauvent ». Marie aussi, la mère, semble s’être résignée. Elle observe ses trois enfants « avec son drôle de sourire triste, comme si revoir Lucas lui faisait plaisir et chagrin à la fois, comme un deuil entamé du vivant de l’enfant ». Elle déploie, à chaque retrouvaille, des trésors d’ingéniosité et de tendresse pour le distraire, le nourrir, prenant même parfois des risques en poussant son fauteuil à tout berzingue : « il lui faut de la joie, il lui faut de la vie, il lui faut du danger pour guérir ». Mais rien n’y fait et l’état de Lucas se dégrade inéluctablement en dépit de l’anniversaire tant attendu, jusqu’au point de non-retour.

« Une amputation sans une seule goutte de sang », sentiment éprouvé par Aurore à la mort de Lucas, doublé de la culpabilité des survivants, inévitable et si pesante. Arièle Butaux évoque parfaitement la détresse de la jeune fille face au cratère creusé par la disparition de son frère : les obsèques auxquelles elle n’assiste pas parce que ce n’est pas un lieu pour les enfants, les paroles blessantes de ceux qui ne savent pas comment réagir face à la tragédie ou qui règlent leurs comptes, les photos qui ensuite disparaissent, les secrets et non-dit inutiles… Tout sonne vrai, tout est absolument juste.

« Il n’y a pas de morts dans les cimetières, simplement des vivants qui les cherchent au mauvais endroit ». Ce livre est le plus beau qu’Arièle Butaux pouvait offrir à Lucas : pas un mot de trop ni de pathos inutile, un roman intense, qui n’est pas sans rappeler « S’adapter » de Clara Dupont Monod et qui ne laissera aucun lecteur indemne.

 

Quelques mots sur le joli Prix de la Closerie des Lilas qui vise à mettre en valeur la littérature féminine et qui couronne l’œuvre d’une auteure francophone en avril de chaque année à la Closerie, fameux restaurant parisien situé boulevard du Montparnasse. Le Jury, exclusivement féminin, est composé de ses membres fondateurs : Emmanuelle de Boysson, Adélaïde de Clermont Tonnerre, Stéphanie Janicot, Jessica Nelson, Tatiana de Rosnay), auxquels s’ajoute un jury tournant composé des femmes de l’art, des lettres et de la culture. Présidé cette année par Claire Chazal, le jury comptait aux côtés des fondatrices, Bérénice Bejo, Claire Berest, Anne Gosciny, Leïla Kadour, Catherine Meurisse et Héléna Noguerra.

© Lyodoh Kaneko

À propos de l’auteure

 

Née en 1964, Arièle Butaux, écrivaine et musicienne, vit aujourd’hui à Venise. Après des études musicales, elle exerce la profession de journaliste (Diapason, Monde de la Musique, Paris Match, Elle). En 1989, elle entre à France Musique et y anime plusieurs émissions. Également écrivaine, elle publie en 2001 La Vestale, biographie romancée de la cantatrice Pauline Viardot, bientôt suivie d’une dizaine d’ouvrages, traduits en plusieurs langues.

Quelques pages en extrait du livre….

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