D’une bibliothèque à l’autre, sous la direction de Romain Boissié

Quelle empreinte les bibliothèques ont-elles laissé en vous ?

C’est la question que Romain Boissié, bibliothécaire à Pujols a posé à une quarantaine d’auteurs. Organisant régulièrement des rencontres littéraires au sein de son établissement, il s’est rendu compte que beaucoup y évoquaient leur rapport particulier à ce lieu. Il a alors eu l’excellente idée de demander à plusieurs d’entre eux de lui proposer un texte libre sur ce thème. Il en résulte un recueil réjouissant composé de témoignages, poésies, fictions… des textes qui révèlent toutes les facettes qu’une bibliothèque peut représenter : souvenirs d’enfance, refuges de gratuité et de chaleur, lieu de naissance de vocations et de transmission du virus de la lecture, espaces de convoitise pas seulement littéraire (!)… On sourit souvent, on y découvre le désherbage littéraire, la BiLoPo… On est ému aussi, tant ces réflexions trouvent un écho en notre propre expérience de lecteur.

« Elles sont plus nombreuses que les librairies, les cinémas, les théâtres ou les musées. Il en existe dans les métropoles, les petites communes, les universités, les quartiers oubliés, les campagnes perdues et jusque dans les prisons. Il y en a même qui roulent. Vous pouvez chercher: en matière de maillage culturel, vous ne trouverez pas mieux que les bibliothèques » souligne Nicolas Le Flahec dans la préface. Alors que les Français lisent de moins en moins (45 % déclarent lire quotidiennement, soit un recul de 4 points en un an, selon le dernier baromètre du Centre national du livre), les bibliothèques semblent avoir plus que jamais un rôle fondamental à jouer dans notre rapport à la lecture. Ce livre, dédié à la mémoire du regretté Joseph Ponthus, le souligne avec pertinence.

Tous les bénéfices tirés de sa vente sont versés à l’Association Bibliothèques sans frontières. En plus de passer un excellent moment de lecture, vous ferez une bonne action : aucune hésitation, précipitez-vous dans votre librairie !

Morceaux choisis parmi les 40 textes à découvrir :

💬Tatiana Arfel : « Tous les livres sont reliés entre eux comme les pages Internet. J’appelle ça, le lien hypertexte papier. On peut ainsi sauter d’un guide pratique d’homéopathie de 1988 à un polar norvégien ou ur BD fantasy, si les deux contiennent, disons, l’expression « secouer le flacon», je dis ça c’est un exemple. »

💬 Arno Bertina : « Bibliothécaires et jardiniers de tous les pays, même combat? Peut-être, oui. Un agent désherbera La Modification au motif qu’il n’a pas été emprunté depuis cinq ans, mais tel autre le sortira du rayon pour constituer une table sur le Nouveau Roman, ou sur les prix Renaudot… »

💬 Sorj Chalandon à propos de L´enfant de Jules Vallès : « En offrant cette arme de résistance à un enfant maltraité de quatorze ans, une bibliothécaire sans nom, sans prénom, sans âge, une inconnue grise au sourire triste, venait de lui ouvrir la porte de son cachot ».

💬 Luc-Michel Fouassier : « C’était un Post-it. Il avait dû tomber du livre lorsque je l’avais ouvert. Il y avait quelques mots écrits dessus, une écriture tout en rondeurs. S’il vous plaît, laissez-moi tranquille! »

💬 Brigitte Giraud : « En prenant place dans un coin de la bibliothèque, c’est un peu de la noblesse du lieu qui vient se déposer sur les épaules, les pauvres sont moins pauvres, les paumés moins paumés, les ignorants moins ignorants, les esseulés moins seuls, les procrasti-nateurs moins impuissants. Tout le monde se tient dans un silence qui ne pèse pas, chacun relié à l’autre par la présence des volumes sur les rayonnages, par le fil de la littérature, de la science, de l’histoire, de l’art ou du droit. Chacun seul mais seul ensemble. »

« Emprunter, un verbe qui rend humble et conscient que d’autres lecteurs existent avant et après soi, et font il faut, par le biais du livre, prendre soin »

💬 Hervé Le Corre « On peut affirmer qu’une bibliothèque est un réservoir de lumières chargé d’éclairer celles et ceux qui y viennent prélever ces étranges lampes d’Aladin que sont les livres. »

« il est des lumières bien plus faciles à maintenir allumées, tout près, à portée de main, et à transmettre, pour faire reculer la nuit.

Dans les bibliothèques les ténèbres n’existent pas. »

💬 Nicolas Mathieu : « le droit de fouiner, de rêvasser, de se tromper surtout, d’emporter des cargaisons dont on ne fera pas le tour, c’est-à-dire la possibilité d’emprunter des livres qu’on n’aimera pas, qu’on ne lira pas, de faire des provisions excessives, sans que cela porte à conséquence ou coûte un centime de plus, le droit de gaver son sac à dos de mondes accessibles qui sont autant de rêves éventuels. »

« Ce fut mon refuge, mon île, mon trésor, mon multivers avant l’heure.

Jamais je n’oublierai cette joie du gavage et de la fouille. Il faisait bon parmi les livres. Jamais je ne suis sorti de là. »