Le jour et l’heure – Carole Fives

C’est à un sujet délicat que s’intéresse Carole Fives dans son nouveau roman : celui de la mort volontaire assistée. Edith, gravement malade, est condamnée à court terme et ne supporte pas l’idée que son mari et ses enfants puissent la voir extrêmement diminuée au point de ne plus pouvoir s’exprimer. Femme libre, elle décide de choisir le jour et l’heure de sa mort, pratique interdite en France mais encadrée en Suisse depuis le 15^e siècle : « ne sont éligibles que les gens atteints de maladie incurable et en pleine conscience de leurs moyens ».

En accord avec son mari, elle a convaincu ses quatre enfants de l’accompagner pour ce dernier voyage : trois jours ensemble en direction de Bâle. Un road trip comme lorsqu’ils étaient enfants. Pourtant, la situation est radicalement différente : ils partent à six, mais rentreront à cinq. Ce court roman choral permet à l’auteur d’exprimer toute une palette de réactions face à cette perte essentielle programmée. Toutes les voix s’expriment, mise à part celle d’Edith, que l’on entend tout de même dans les paroles rapportées par les autres personnages. Le propos n’est donc pas uniquement de réfléchir aux motivations qui ont conduit cette femme à prendre une telle décision mais surtout de donner la parole à ceux qui vont rester. Si certains semblent avoir déjà fait leur deuil depuis l’annonce du diagnostic, d’autre en revanche sont pétris d’angoisse et de colère. L’occasion pour chacun d’une introspection et d’une réflexion sur l’acceptation de la mort dans notre société, avec l’art comme réconfort.

Un roman à la construction habile qui permet de toucher du doigt une question de société importante, une manière de voir la vie.

Alberto Giacometi, L’homme qui marche, II, 1960

Bronze, Fondation Beyeler, Riehen/Basel, Sammlung Beyeler

À propos de l’auteur

Après une licence de philosophie et un MASTER en arts plastiques, Carole Fives entre aux Beaux-Arts de Paris dont elle est diplômée. Elle est alors peintre tout en enseignant les arts visuels. L’abandon de la peinture pour la littérature est le sujet de deux livres, Modèle vivant et Térébenthine. Pour l’autrice, si le medium a changé, le processus reste le même : peindre avec des traits, des couleurs ou des mots, faire le portrait d’une société, d’une époque.

En 2017, Une femme au téléphone met en scène une mère bipolaire qui téléphone à sa fille chaque jour. Le texte, sous forme de dialogue à sens unique n’appelle jamais aucune réponse. Tenir jusqu’à l’aube, roman paru en 2018, décrit le déclassement social d’une mère célibataire fugueuse. 

Paru en août 2022, Quelque chose à te dire traite de l’admiration d’une écrivaine pour une autre qui vire à l’obsession. Le roman est sélectionné pour le prix Goncourt 2022, le prix Goncourt des lycéens ainsi que le Goncourt des détenus. Il était également en lice pour le prix Summer.