Vivre vite – Brigitte Giraud
Brigitte Giraud revisite la chronologie des événements ayant conduit à l’accident mortel de son conjoint 20 ans auparavant. Bien au-delà d’un récit sur le deuil, elle livre davantage ici une réflexion sur la notion de destin. Et c’est magnifique !
Éditeur : Flammarion
Nombre de pages : 208 ; Parution : août 2022
« Et si… ». Qui n’a pas déjà joué à ce jeu-là, envisageant les options qui auraient pu être prises en lieu et place de celles réellement choisies ? Parfois, nous savourons la chance de les avoir laissées de côté, évitant le pire. À d’autres moments, nous les regrettons tant la vie aurait pu être meilleure si nous avions procédé à un autre choix. Et d’autres fois, nous nous en morfondons. Et si j’avais été moi aussi ce 6 novembre 1981 dans la Sirocco qui se brisa contre un arbre et les emporta sur une route de campagne près d’Amiens ? Et si la voiture n’avait pas été aussi sportive ? Et si elles n’étaient pas parties de nuit vers le Nord ? Et si… Tant de questions à jamais sans réponses, tant d’hypothèses maintes fois explorées…
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Si Isabelle Carré s’est elle aussi prise au « jeu des si », titre retenu pour son tout dernier roman (Grasset), le parti pris de Brigitte Giraud est différent dans « Vivre vite », tout juste auréolé du Prix Goncourt 2022. Elle ne cherche pas à imaginer une autre vie que la sienne mais s’attache à revenir sur le faisceau d’indices ayant concouru à l’événement qui bouleversa sa vie de manière irréversible.
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22 juin 1999. Son conjoint meurt dans un accident de moto. Ils étaient sur le point d’emménager dans une nouvelle maison. Au moment de la céder vingt ans plus tard, Brigitte Giraud revisite dans ce roman autobiographique tous les microévénements dont la survenance durant la semaine qui a précédé le drame ont fini par « par tisser une toile suffisamment serrée pour qu’ils conduisent inexorablement à l’accident ». C’est habile, original, bien écrit et évidemment très touchant. Elle décrypte dans « Vivre vite » une chronologie à rebours qui touchera nécessairement ceux qui savent à quel point tout ne tient qu’à un fil et comment la vie peut basculer irrémédiablement le temps d’un claquement de doigts.
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Bien au-delà d’un récit sur le deuil, Brigitte Giraud livre davantage ici une réflexion sur la notion de destin. Tout est-il écrit ? À la lire, on peut légitimement se poser la question. Cette exploration des « si » prend au final l’allure de portrait d’une certaine époque mais surtout d’un superbe hommage à son conjoint, une manière de le garder un peu plus en mémoire alors qu’il a disparu 20 ans auparavant. Elle ajoute :
« Il m’arrive de te perdre. Je te laisse sortir de moi. Il me faut parfois me concentrer pour reconstituer tes traits. Cela, je ne l’aurais jamais imaginé ».
©️ Pascal Ito /Flammarion
À propos de l’auteur
Brigitte Giraud est l’auteur de dix romans parmi lesquels À présent (Stock mention spéciale du prix Wepler 2001), L’amour est très surestimé (Stock bourse Goncourt de la nouvelle 2007), Une année étrangère (Stock prix Jean-Giono 2009), Un loup pour l’homme et Jour de courage (Flammarion 2017 et 2019). Elle obtient le Prix Goncourt 2022 pour Vivre vite.