La carte postale – Anne Berest

– Oui je suis juive.

– Et grand-père aussi ?

– Ah non, il n’est pas juif, lui.

– Ah. Et maman, elle est juive ?

– Oui.

– Donc moi aussi ?

– Oui, toi aussi.

– C’est bien ce que je pensais.

– Mais pourquoi tu fais cette tête, ma chérie ?

– Cela m’embête beaucoup ce que tu dis.

– Mais pourquoi ?

– Parce qu’on n’aime pas trop les Juifs à l’Ecole ».

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Simple échange entre une grand-mère et sa petite fille, et le déclencheur d’une double enquête formidable menée par Anne Berest. Ces propos rapportés entre sa mère et sa fille lui firent l’effet d’un électrochoc. Dans l’incapacité d’interroger sa petite sur les raisons de ses paroles, elle s’est souvenue d’une carte postale reçue par sa mère seize ans auparavant, représentant l’Opéra Garnier et sur laquelle étaient inscrits les prénoms des grands-parents et oncle et tante de sa mère, Lélia, tous morts à Auschwitz. Qui l’avait postée ? Pour quelle raison manquait le prénom de sa grand-mère Myriam… ?

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Nombreux sont ceux qui, tout comme Anne Berest, en dépit de leurs origines, n’ont pourtant reçu aucune éducation religieuse, vivant de manière laïque. Néanmoins, les paroles prononcées par sa fille la heurtent au plus haut point. Comment l’expliquer ? Elle réalise alors que la compréhension de sa réaction implique de connaître plus précisément ses origines.

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Pour résoudre les énigmes posées par cette fameuse carte postale, Anne Berest remonte très loin dans le passé, à l’époque où ses arrière-grands-parents, Ephraïm et Emma, ont quitté la Russie pour finalement émigrer en France, en passant par la Létonie ou encore la Palestine. Son enquête passionnante, tout à la fois tournée vers l’identification de l’auteur de la carte et le récit de l’épopée de ses ancêtres, nous éclaire sur ce que signifie être émigré, étranger au sein d’une communauté. Elle questionne également la notion d’identité juive et ce qu’elle recèle de richesses et de dangers.

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Beaucoup a été écrit sur la Shoah. Avec ce roman, Anne Berest apporte sa pierre en partageant avec ses lecteurs le destin de ses aïeuls qui, pour certains, ont payé cher le prix d’imaginer que le pire ne pouvait arriver. Dépassant la seule quête d’identité, Anne Berest aborde le thème de la transmission. Savoir d’où l’on vient implique qu’on nous l’explique. Or, ceux qui ont survécu à la guerre ont eu tendance à taire les atrocités vécues, trop douloureuses et si incroyables qu’ils n’étaient bien souvent pas entendus.

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L’absence de verbalisation de l’histoire familiale, si elle crée un certain nombre de troubles, n’empêche pas pour autant une conscience plus ou moins aigüe d’un certain nombre de ses éléments, ainsi que certaines formes de transmission, comme l’écriture. Les prénoms choisis pour les enfants n’y sont pas pour rien et donnent lieu à un magnifique et très émouvant échange entre Anne et sa sœur Claire, reproduit dans le roman.

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En partant à la rencontre de ses ancêtres, Anne leur donne une voix et matérialise leur existence, leur rendant ainsi hommage en faisant œuvre de mémoire et c’est très réussi !

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« La Carte postale » a été distinguée par deux beaux prix : le Renaudot des lycéens … et le Grand Prix des Blogueurs 2021 !

À propos de l’auteur

Anne Berest est l’auteur de romans : La Fille de son père (Seuil, 2010), Les Patriarches (Grasset, 2012), Sagan 1954 (Stock, 2014), Recherche femme parfaite (Grasset, 2016), Gabriële, coécrit avec sa sœur Claire (Stock, 2017), de pièces de théâtre : La Visite, Les filles de nos filles (Actes Sud, 2020).
Elle a aussi écrit la série Mytho pour Arte, qui a reçu de nombreux prix, en France comme à l’étranger.