Chanson douce de Leila Slimani
C’est nécessairement « sonné » que l’on ressort de la lecture de « Chanson douce » : roman glaçant, stupéfiant, et très bien adapté au cinéma.
Éditeur : Gallimard
Nombre de pages : 240
Parution : août 2016
Prix : 18 €
Versions ebook, audio et poche disponibles
Quel bonheur que de ne plus avoir d’enfants à faire garder par une nourrice ! Quel soulagement de ne plus s’interroger pour savoir si l’on fait bien, de ne plus s’imposer de revenir à l’improviste chez soi de temps en temps pour vérifier que tout est sous contrôle, de ne plus se contraindre à se taire pour éviter une tension qui pourrait se reporter sur les enfants…
Et c’est nécessairement « sonné » que l’on ressort de la lecture de « Chanson douce » tant le livre de Leila Slimani résonne en chacun d’entre nous qui avons dû recourir à l’aide d’une nounou pour s’occuper des enfants à un moment de notre vie.
Dès le départ, tout est dit : « Le bébé est mort ». Après quelques pages d’une froideur extrême où est décrite la scène de crime, flashback quelques mois plus tôt.
Avec talent, l’auteur nous raconte l’histoire d’un couple parisien. La jeune femme, Myriam, a brillamment achevé des études de droit et très vite, a eu un premier enfant. Elle a alors fait le choix de se consacrer à son éducation, y prenant un plaisir non dissimulé. Un deuxième enfant arrive et là, une longue descente aux enfers commence. Débordée par ses petits, délaissée par son mari qui consacre la majeure partie de son temps à son travail, Myriam perd pieds petit-à-petit et se noie dans les tâches ménagères. Alors, quand l’opportunité de travailler se présente, elle la saisit comme une bouée de secours et choisit donc d’embaucher quelqu’un pour prendre soin de ses enfants durant son absence.
L’entrée de Louise dans la vie de cette famille tient du miracle. Arrivée providentielle, elle parvient rapidement à leur permettre de retrouver la sérénité perdue. Progressivement, elle leur apporte bien plus que le soin attaché aux enfants et dans lesquels elle excelle, mais elle prend en charge l’ensemble de la gestion de la maison : ménage, cuisine, linge, courses… Bien sûr, quelques détails énervent les parents : une fête d’anniversaire préparée avec un peu trop d’emphase, un maquillage inapproprié… mais globalement, ils n’ont qu’à se satisfaire des services prodigués, à tel point qu’ils l’emmènent même avec eux en vacances !
« Chanson douce » de Lucie Borleteau, avec Karin Viard et Leila Bekhti.
Comment peut-on expliquer qu’ils se soient à ce point voilé la face pour ne pas voir que tout ceci était trop beau pour être vrai ? Comment l’emprise de Louise a-t-elle pu devenir aussi pesante sur leur quotidien sans qu’ils ne réagissent ?
C’est là que le livre de Leila Slimani fait mouche ! Pour une femme, bien davantage que pour un homme en général, tout est question d’équilibre : mener de front carrière professionnelle et vie de famille épanouie. C’est quand on pense être enfin parvenue à ce précieux équilibre que justement, il ne nous correspond plus. Balançant entre tous ces intérêts contradictoires, les mères actives naviguent souvent à vue, tentant de satisfaire chacun et performer sur tous les plans. On comprend donc sans peine le soulagement que peut représenter l’arrivée de quelqu’un qui vous relaie dans tout ce qui ne vous paraît pas indispensable à un moment donné.
Et pourtant, que sait-on de cette personne à laquelle on ouvre grand la porte à son intimité et à tout ce que l’on a de plus précieux ? Au-delà d’une vague référence d’un ancien employeur, souvent pas grand-chose. À ne pas s’intéresser de près au sujet, on s’expose à côtoyer de véritables psychopathes. Chanson Douce en est la démonstration pure et simple.