Une carte postale du bonheur – Cristina De Amorim
« Une carte postale du bonheur » est à cent lieues de ce que j’imaginais ! Une très agréable surprise pour un roman fort, intelligent, mettant en scène une femme sous emprise d’une relation toxique.
Éditeur : Séramis
Nombre de pages : 480
Parution : mars 2018
Prix : 21 €
Version ebook disponible
Cristina De Amorim a eu la gentillesse de répondre à mes questions à l’occasion de la sortie de son premier roman : c’est ici !
Alors même que la parole des femmes s’est récemment libérée avec le mouvement #MeToo, les cas de violence conjugale demeurent trop nombreux en France. Des femmes meurent sous les coups de leurs conjoints, c’est une réalité. Parmi eux, certains s’avèrent extrêmement pernicieux puisqu’ils sont moins visibles mais tout aussi destructeurs, les cas de violence verbale et psychologique. Étonnement, « Une carte postale du bonheur » met en scène de manière particulièrement réussie et réaliste l’un de ces cas. Mais pourquoi ai-je spécifié « Étonnement » ?
Cette lecture a commencé par des échanges virtuels sur Instagram, entre Cristina et moi, toutes deux passionnées de littérature… Apercevant un jour une photo de Cristina prise à Gruyère en Suisse, une ville charmante pas très éloignée de Genève, nous avons échangé quelques mots, puis nous sommes rencontrées pour la première fois lors de la soirée du Grand Prix des Blogueurs Littéraires il y a un an. Cristina a proposé de m’adresser son livre qu’elle venait d’achever, son premier ! Reçu quelques jours après, je ne l’ai pourtant pas ouvert avant plusieurs mois alors même que cet envoi m’avait ravie. Pourquoi ?
Sans aucun doute la couverture et le titre. On y découvre une femme au bord de la crise de nerfs, bigoudis sur la tête et maquillage dégoulinant… je m’attendais à un bon feel good, que je me réservais comme lecture facile pour un moment de détente lors d’une période tendue. Mon déménagement fut l’occasion idéale !
Et là, une révélation : « Une carte postale du bonheur » est à cent lieues de ce que j’imaginais ! Une très agréable surprise pour un roman fort, intelligent, mettant en scène une femme sous emprise d’une relation toxique.
L’histoire en elle-même est malheureusement assez classique : une jeune femme, Juliette, alors qu’elle vient tout juste de rompre avec le père de son enfant après une longue période de réflexion, est courtisée par l’une des relations professionnelles, Thomas. Elle tombe rapidement sous le charme de ce beau parleur débordant d’attentions diverses et variées, toutes plus originales et romantiques que les autres. En dépit de sa conscience de la trop grande proximité de cette nouvelle relation avec la rupture qu’elle vit, Juliette succombe à l’empressement de Thomas et s’installe vite lui.
Embarquement immédiat pour une aventure cauchemardesque, bien éloignée des doux rêves qu’elle projetait. D’abord insidieusement. Ce sont de petites vexations, pas de quoi dramatiser, si ce n’est qu’elles se multiplient, s’intensifient en méchanceté, sans que Juliette ne parvienne à s’imposer.
Thomas distille son poison à petites doses, étendant son emprise sur Juliette lentement mais surement au point pour elle de perdre alors toute clairvoyance. Juliette ignore les mises en garde de son entourage proche, échoue dans les filets de Thomas et se retrouve après quelques mois dans l’incapacité totale de mettre un terme définitif à cette relation toxique, allant même jusqu’à accepter de porter son enfant alors qu’elle n’en avait aucune envie. Lorsqu’elle commence à douter, il est déjà trop tard et l’emprise bien trop intense pour qu’elle puisse y mettre fin aisément.
Pourtant, Juliette n’a absolument rien d’une écervelée ou d’une femme excessivement naïve. Cadre dans un entreprise parisienne, très féminine et en apparence sûre d’elle, elle semblait suffisamment armée pour réaliser ce qui se passait et couper court au plus vite. Pourtant, il lui faudra beaucoup de temps pour ouvrir les yeux sur la situation, échapper à l’enfer et tenter de se reconstruire alors qu’elle avait atteint un stade de dépression très avancé.
Cristina De Amorim décrypte parfaitement la manière dont l’emprise de Thomas sur Juliette se concrétise puis s’inscrit durablement dans le temps : un cycle infernal faisant alterner douceur, violences psychologiques, indifférence aux sollicitations d’affection et de reconnaissance.
Si ce schéma est désormais bien connu et si le profil des pervers narcissiques maintenant aisément identifiable, nombreuses sont celles prises au piège, souvent parce qu’elles rencontrent ce type de personnes à un moment de leur vie où elles se trouvent particulièrement vulnérables. Quant à ces prédateurs, ils n’ont pas leurs pareils pour repérer la faille de leur victime qui rendra leur soumission possible. Il n’y a pas de hasard. C’était le cas de Juliette qui venait tout juste de se séparer de son conjoint et manquait clairement d’assurance en elle, contrairement aux apparences.
L’étendue de l’emprise de Thomas fut immense la faisant passer de l’état de femme amoureuse, indépendante, forte, à celle d’une personne soumise. Juliette alla même jusqu’à essayer de changer de physique pour satisfaire Thomas, obtenir de lui le moindre signe de reconnaissance. À cet égard, la scène de l’accouchement qui ouvre le livre donne le ton d’emblée : loin d’être joyeux, il est au contraire vécu comme un moment de souffrance et d’isolement intenses où c’est finalement l’enfant qui réconforte cette mère abandonnée, réduite à l’état de génitrice.
Car au-delà du sentiment de toute puissance sur une femme que recherchait Thomas, c’était l’envie irrépressible d’être père qui l’animait. Le lecteur assiste impuissant au naufrage de Juliette, tout comme elle d’ailleurs qui analyse particulièrement bien la situation sans toutefois être en mesure de sortir des griffes de son bourreau.
« Une carte postale du bonheur » souligne à quel point le mécanisme mis en place par un pervers narcissique est redoutable et l’extrême difficulté pour s’en sortir.
Aussi, ce livre résonne comme une mise en garde pour chacun des lecteurs et la nécessité d’être attentif aux signes avant coureur : mieux vaut réagir vite et se tenir le plus éloigné possible de ce type de personnage, au risque d’y laisser des plumes. Juliette n’est pas passée très loin de la catastrophe et a dû faire preuve d’une volonté extraordinaire et de ressources insoupçonnées pour échapper à son prédateur.
Ce roman n’est pas le seul à traiter de ce douloureux sujet et je pense en particulier à un qui m’avait beaucoup plu, pour des raisons différentes, celui de Sylvie Le Bihan, « L’Autre ».
« Une carte postale du bonheur » a su me toucher, sans doute parce qu’il est écrit du point de vue de la narratrice, qu’il sonne profondément juste. Il met aussi l’accent sur le rôle fondamental de l’entourage de la victime d’un pervers narcissique qui aurait naturellement tendance à prendre ses distances, d’autant plus quand les mises en garde semblent inutiles mais qui joue pourtant un rôle essentiel. Juliette ne cache rien, fait état de ses faiblesses avec pas mal de recul et parfois d’auto-dérision. Une sincérité qui fait mouche, une auteur inspirée, et pour cause…, que je vous laisse découvrir dans l’entretien qu’elle m’a accordé !
À propos de l’auteur
Cristina De Amorim est une amoureuse des mots et une dévoreuse de livres depuis son plus jeune âge. Après avoir longtemps écrit en secret, elle décide d’ouvrir le « Blog de la Cristina sans h » en 2014, dans lequel elle aborde notamment le grand dilemme de ses contemporaines: être femme ou mère. Elle y raconte également ses coups de cœur, les joies de la famille recomposée et la manière dont elle a retrouvé le chemin du bonheur.
« Une carte postale du bonheur », tiré de sa propre histoire, est son premier roman.
Le site de Cristina : Le Blog de Cristina sans H
Quelques pages en extrait du livre….